Le bon chemin

Le bon chemin

2018-10-26 0 Par Éric Laliberté
Dans la vie, ce n’est pas ce qui nous arrive qui compte, c’est comment on y réagit.
Pierre Elliott Trudeau

Avec la grisaille automnale qui s’installe, il m’arrive souvent d’avoir envie de tout plaquer, de partir et reprendre la route, là où je l’avais laissé. Là où elle avait commencé à me parler. Je ne suis pas du genre à fuir mes problèmes, mais la routine m’ennuie et les dossiers qui s’accumulent sur le coin de mon bureau me rappellent que j’accepte encore trop de choses. Mon agenda se remplit sans que je me rende compte et les heures de travail se bousculent jusqu’à tard dans la nuit. Je ressens alors l’urgent besoin de m’arrêter.

J’ai besoin de cases vides dans mon agenda, de ces espaces qu’il n’est pas nécessaire de combler. Dans mes moments d’excès, il suffit que je lève la tête en direction de la fenêtre pour goûter cet instant de liberté : le chemin est là!  Il m’appelle comme la promesse d’une belle rencontre, avec ses joies et ses souffrances. Chacun de ses enseignements me rappellent qu’en lui mes pas s’alignent sur le sanctuaire de ma vie. Dans mes moments d’agitation, serais-je en train de m’égarer…?

Manquer sa cible. Je me rappelle ce jour de marche alors que j’étais seul sur la route. Aucun pèlerin à l’horizon. Je me demandais bien ce qui les avait retenus de si bon matin. La journée s’annonçait magnifique et le soleil resplendissait. Où pouvaient-ils bien être? D’ailleurs, ce soleil, je le trouvais bien lumineux. Plus qu’à l’accoutumé. Il m’aveuglait. Il y avait bien une heure que j’ajustais à tout moment la palette de ma casquette pour ne pas l’avoir dans les yeux. C’est en faisant ce geste pour la énième fois que j’ai réalisé ne pas être sur le bon chemin! Sur les chemins de Compostelle, nous marchons généralement vers l’ouest. Le soleil, on l’a dans le dos!

Ce matin-là, j’ai pris cette « iluminación » en plein visage. Sans prendre garde, je m’étais retrouvé à marcher sur une route qui ne correspondait pas à ce que je cherchais. Combien de fois dans ma vie ai-je pris le mauvais chemin? Fais des détours? Combien de fois me suis-je compliqué la vie parce que je ne demeurais pas attentif à ce qui vibrait en moi? Parce que je n’osais pas l’écouter? Ma route a souvent bifurqué, pour toutes sortes de raison, m’éloignant de ma cible. Étais-je pour autant sur le mauvais chemin?

Qu’est-ce que le « bon chemin », le « vrai Compostelle »?
Y a-t-il une bonne et une mauvaise route?

Distinguer le chemin physique du chemin spirituel. La multitude des chemins qui conduisent à Compostelle nous enseigne qu’il n’y a pas de bon chemin, mais plusieurs possibilités. C’est pourquoi il est important de distinguer le chemin physique, celui qui me conduit à Compostelle, du chemin spirituel, celui qui mon conduit au Sanctuaire de ma résolution. Ce n’est pas tant « là où je vais » qui importe, que « là où me conduit l’expérience ». Ainsi, ce qui peut sembler en rallonger quelques-uns, peut devenir un détour bénéfique pour d’autres, même par égarement. Le chemin est d’abord le lieu de l’expérimentation. À travers lui, je découvre, j’apprends, je précise, l’espace du sanctuaire que je cherche.

Ce qui compte en bout de ligne, c’est de faire la relecture de son parcours et de ce qui nous appelait à prendre la route. Qu’en est-il de cet élan? A-t-il changé? Évolué? Où en suis-je? Ce moment de route, ou de déroute, m’enseigne quoi sur le sanctuaire qui m’appelle? Comment cela m’aide-t-il à le préciser davantage?

Les détours nous enseignent, les erreurs nous forgent. Chaque pas nous rapproche de notre sanctuaire, même quand ils ne sont pas dans la bonne direction. Lorsque je lève la tête et cesse de me regarder les pieds, je ne peux que constater combien j’ai fait du chemin et m’en suis rapproché.

Éric Laliberté