Aller vers l’autre pour arriver à soi

2015-09-04 0 Par Brigitte Harouni
Tout être humain porte en lui une richesse qui rayonne et fait miroiter celle de l’autre.
Bottes et Vélo

Bottes et Vélo - Ste-Félicité - Manoir des SapinsPour la majorité d’entre nous, nous évoluons dans un environnement dans lequel l’autre, celui que je ne connais pas, est perçu comme un étranger, un être distant, inintéressant, voire même inexistant. Les comportements de masse sont tels que nous nous côtoyons sans chercher à créer de liens, et parfois même en agissant pour ne pas en avoir. Nous faisons des kilomètres en autobus ou dans le métro sans parler à notre voisin, nous barricadant derrière un roman, une tablette ou des écouteurs. Nous revoyons régulièrement la caissière de l’épicerie, ou le commis au dépanneur sans lui signifier de marque de reconnaissance. Chacun vit sa vie de façon socialement hermétique, ne créant d’ouverture que pour certaines personnes répondant au prérequis: famille, collègues de travail, amis ou voisins. Pourtant sur le chemin, le pèlerin découvrira une toute autre dynamique des rapports sociaux. Sur le chemin, le pèlerin réalisera rapidement que l’autre, loin d’être un simple étranger, fait partie intégrante de son aventure et que sa présence est un incontournable dans les apprentissages qu’il va en tirer.Bottes et Vélo - Marsoui - Café du Parc

Quand on décide d’entreprendre un pèlerinage, souvent nous sommes à la recherche d’un temps de solitude et d’isolement. Mais rapidement, on constate que l’autre, quel qu’il soit, nous est indispensable. Que ce soit le restaurateur, l’hébergeur, celui qui nous indique la route à prendre, celui qui nous encourage d’un coup de klaxon, celui qui nous offre spontanément de l’eau en nous voyant passer ou celui qui, curieux de nous voir ainsi chargé, engage la conversation; tous ces gens qui se trouvent sur notre route font partie de notre pèlerinage. Ils embellissent notre voyage de leur sourire, de leurs paroles et de leur sensibilité. Cette relation instantanée, toute simple, et sans lendemain transforme le rapport que le pèlerin entretenait avec l’autre. Elle lui permet de redécouvrir l’essence même de la nature humaine. L’autre, celui qui se trouve sur notre route, est souvent une surprenante mine d’or. Le pèlerin s’étonnera de découvrir tant de bonté, de générosité et d’entraide à l’état pur. Bottes et Vélo - Cap-aux-OsCes hôtes du chemin agissent généralement, tout simplement pour aider et rendre service à une personne qui pourrait en avoir besoin, ou pour le plaisir d’échanger et de voyager à travers le pèlerin. Ces courtes rencontres sont riches en humanité et laissent une trace inaltérable dans le cœur et la mémoire du pèlerin. Chaque pèlerin a une anecdote à vous partager qui décrit combien il est resté marqué par la grandeur d’âme de cet étranger qui l’a aidé au moment où il en avait besoin ou qui l’a accueilli au-delà de ses attentes.

En chemin, les barrières sociales tombent rapidement et le pèlerin va à la rencontre de cet inconnu qui lui ouvre sa porte et entre dans sa bulle. De cette rencontre naîtra un sentiment de bien-être et un plaisir de partager un moment de vie avec cet étranger qui l’est de moins en moins. Le pèlerin reprendra sa route, rassasié de cette pause sociale, surpris et touché par cet élan de bonté envers lui et rempli de gratitude envers son prochain. Graduellement, avec les kilomètres qui défilent, nous réalisons que l’autre n’est pas bien différent de nous. Bottes et Vélo - Les MéchinsChaque hôte du chemin est une expression de moi-même. Et en allant vers cet autre, le pèlerin avance un peu plus vers lui, retrouvant en l’autre, ce reflet de ce qu’il veut voir s’actualiser en lui. Et c’est aussi à travers l’autre que le pèlerin entrevoit sa propre image. À travers les paroles et les actions de l’autre, le pèlerin découvre des forces qu’il possède en lui, que l’autre lui reconnaît, mais que lui-même ne suspectait peut-être pas.

Souvent, le pèlerin qui prend la route, part préoccupé et turlupiné, à la recherche d’un faire autrement, mais la rencontre avec l’autre lui fera réaliser que la réponse réside plutôt dans un être autrement. Un pèlerinage ne saurait être complet sans la présence de l’autre sur le chemin, car ce sont tous ces autres qui me complètent et m’aident à me définir, et c’est dans cette définition de soi que le pèlerin trouvera le début d’une réponse au changement souhaité.Bottes et Vélo - Emblême

Brigitte Harouni