Être mouvement

Être mouvement

2023-02-24 4 Par Éric Laliberté

Le pèlerinage relève de l’art du mouvement. Il rappelle que la vie est fluide, qu’elle file sans qu’on puisse la retenir et que nous sommes parties prenantes de son élan. Ainsi, il n’est pas tellement question d’y être : d’être vivant, comme de se mouvoir en elle : d’être mouvement à la vie.

Chaque jour, chaque instant, tout mon être est agi par ce mouvement. Que je sois éveillé ou que je dorme, la vie s’active en moi, bouge et me tient en vie. Elle me traverse et m’anime, malgré moi. Dans le prolongement de ce mouvement, je suis moi-même appelé à me mouvoir. Je bouge sous l’effet de la vie, propulsé par mon désir de vivre. Le bon goût de la vie s’inscrit ainsi dans la mouvance qui la définit. Lorsque j’y réponds et que je navigue avec elle, j’éprouve une certaine satisfaction. Pensez à cet effort physique qu’il a fallu pour accomplir une tâche exigeante, à la réussite d’un marathon, d’un compostelle, ou encore au bien-être éprouvé après une bonne nuit de repos. Tous ces mouvements favorisent la vie et sont d’une grande diversité! Qu’il s’agisse d’un temps de contemplation pour calmer l’agitation, de l’euphorie de la réussite ou encore de ce verre d’eau qui étanche la soif par une lourde canicule, tout bouge dans un élan qui contribue au vivant.

Or, s’il y a des élans qui favorisent la vie biologique, il y aussi des élans qui favorisent la vie psychologique et la vie spirituelle. Certaines ruptures redonnent vie, des chagrins se transforment en occasion de redressement, des culpabilités s’évanouissent, des idéologies et des croyances sont remises à leur place, avec le temps. Tout est dans la fluidité du mouvement! Un mouvement changeant.

Par opposition, l’absence de mouvement a pour conséquence de mettre en évidence nos rigidités et nos stagnations, ce à quoi nous nous accrochons avec détermination. Dans ces moments, je deviens têtu, intransigeant, convaincu, écrasant de certitudes. Je me bats pour des idéologies, pour des valeurs, et je les impose. Et c’est ça qui devient souffrant : conserver le statu quo de ce que j’affirme! Toujours le même! Impossible de changer d’idées, de redéfinir mes manières de vivre. J’ai une image à préserver et je m‘accroche aux représentations que j’offre de moi-même. Je les arbore avec fierté et rigueur. Je m’y enferme pour maintenir les standards qui me définissent : je suis mes idées, mes croyances et mes savoirs! En venir à lâcher prise sur eux semble signifier la destruction de mon être. Aussi, rien ne doit bouger! Si ça bouge, je suis perdu. Je résiste pour sauver ma peau! Résultat d’une telle posture : angoisse, anxiété, colère, tristesse, crainte et peur. Pour me préserver, je freine là où j’aurais avantage à lâcher prise et laisser couler. Ce que je retiens par peur de perdre, me détruit à petit feu.

La vie est mouvement. Je suis mouvement issu de la vie. Tout mon être est mouvement vivant. Et, comme le surfeur travaille avec la vague plutôt que de l’affronter, j’aurai tout avantage à surfer avec la vie plutôt que de lui résister.

Éric Laliberté