J’irai marcher les Îles

J’irai marcher les Îles

2021-08-29 4 Par Éric Laliberté

Le blogue de Bottes et Vélo est de retour pour une huitième année. Pour entrer dans cette nouvelle saison, si on parlait des Iles-de-la-Madeleine et du tourisme narcissique.

Depuis 5 ans, Bottes et Vélo marche les Iles chaque été et y a développé un attachement tout particulier. Comme nous y sommes actuellement, je ne peux passer sous silence cette expérience qui se renouvelle année après année en compagnie de nos amis madelinots et de tous ces pèlerins qui viennent parcourir les Sentiers entre Vents et Marées.

La réputation des Iles n’est plus à faire et les nombreux attraits de ce joyaux québécois seraient trop long à énumérer. Cette année, je dois cependant vous dire qu’il s’agit d’une année particulière. Celle-ci bat des records, non pas tant par le nombre de visiteurs qui augmente régulièrement depuis quelques années, que par le désagrément occasionné par ces derniers. Est-ce un effet de l’après-pandémie ou celui d’un manque flagrant de savoir-vivre? Fort probablement la conjugaison des deux.

Un archipel est un milieu clos et plusieurs n’ont pas conscience de ce que cela peut impliquer en ce qui concerne : l’approvisionnement en eau potable, la gestion des déchets ou ne serait-ce que le nombre de voitures qu’un tel milieu peut accueillir. Les moindres changements ont un impact et mettent en péril l’équilibre de ce milieu fragile. Mais là n’est pas la seul difficulté ! Ce qui devient accablant, voir irritant, c’est la maigre qualité des nombreux touristes qui fréquentent les Îles depuis quelques temps. Plusieurs se comportent, non pas en visiteurs, mais en consommateurs des lieux laissant aux Madelinots l’impression d’être de trop, chez eux.

Le touriste narcissique est plus dangereux que l’érosion pour les Îles. Il passe avec l’arrogance d’un bulldozer sur les lieux qu’il visite. Afin de renverser la vapeur des nombreux dérapages occasionnés par une affluence touristique qui manque sérieusement d’éthique, il importe de recadrer le tout : on n’entre pas aux iles n’importe comment! Il convient d’entrer aux îles (ou ailleurs) comme on entre dans un sanctuaire, c’est-à-dire avec respect. Vigilance et bienveillance sont alors de mise, face à la fragilité de cet écosystème, mais aussi par soucis de solidarité envers le peuple magdalénien.

Les études les plus récentes sur les pratiques pèlerines mettent en évidence que les milieux pèlerins subsistent grâce à un réseau de relations qui se construit sur l’échange, le partage et le respect mutuel. Si les chemins de pèlerinage survivent, c’est parce qu’ils s’appuient sur une coopération entre les différentes instances qui les composent. Au cours des vingt dernières années, Compostelle a connu de nombreux débordements dévastateurs : déchets, non-respect des lieux privés, affluence excessive, approche consumériste. Pour contrer ces difficultés, l’élaboration d’une éthique pèlerine s’est avérée nécessaire. Une telle éthique passe, bien sûr, par un soucis de l’environnement mais, plus largement, par un soucis relationnel. En effet, l’expérience pèlerine s’accomplit dans une interaction juste et équilibrée, non-dominatrice. Lorsqu’il y a accueil réciproque, reconnaissance et respect de part et d’autre, tous les protagonistes peuvent s’épanouir.

En ce moment, l’enjeu est le même aux Îles. Les mêmes débordements sont à l’œuvre et ceux-ci se jouent sur l’absence d’une telle « éthique du voyageur ». Par égard, mais bien plus par solidarité envers les madelinots, il faut encourager la création d’une telle éthique, en faire la promotion et, surtout, s’en faire d’ardents défenseurs. Il en va de la préservation d’une culture riche, accueillante et talentueuse qui pourrait bien disparaitre au profit d’une insouciance consumériste, pour devenir le cirque d’une parodie folklorique.

Dorénavant allons visiter les îles, non pas pour les assimiler, mais pour se laisser transformer par l’expérience de cette rencontre. Voyager, c’est se laisser interpeller et en sortir grandit.

Éric Laliberté