L’alchimie du chemin

L’alchimie du chemin

2020-06-12 6 Par Brigitte Harouni

“Sans compagnons humains, le paradis même deviendrait un lieu d’ennui.”

Proverbe arabe

À tous ceux et celles qui ont fait un bout de chemin avec Bottes et Vélo : ce texte est pour vous.

En cette année pandémique, Bottes et Vélo aura dû, jusqu’à ce jour, annuler tous ses séjours. Mais pour Éric et moi, impossible de rester inactifs. Avec les belles journées du printemps, nos bottines commençaient à s’impatienter. C’est pourquoi, comme bien des pèlerins, nous avons décidé d’aller régulièrement marcher les belles routes de chez nous. Parcours bucoliques le long du fleuve en suivant les oies blanches. Boucles sinueuses sur les routes de campagne à travers les fermes. Circuits inusités pour découvrir de nouveaux coins. Pique-niques au grand air, bottines, bâtons, sac à dos : tout y est pour vivre comme en pèlerinage et pourtant, malgré l’extase et la frénésie de la marche, je rentre chaque soir avec le sentiment inconfortable d’être restée sur mon appétit. Quelque chose me manque. Quelque chose d’essentiel qui donne habituellement de la vie à mes pèlerinages : vous!

Sans vous, chaque journée de marche n’est qu’une journée marchée. Agréable. Parfois exaltante. Souvent vivifiante. Mais sans la vie de groupe, elle me semble plus fade. Assurément, vous rehaussiez le goût de mes journées! Sans pourtant être toujours ensemble, de se savoir appartenir à une petite communauté en mouvement donne un sentiment particulier à la marche, crée une atmosphère pleinement pèlerine. J’aime marcher seule et voir devant moi au loin les silhouettes des autres pèlerins qui s’égrainent sur la route ou le long de la plage. Et quand je m’arrête, je vois derrière moi les « contemplatives », celles qui marchent plus lentement et profitent du moment qui passe. Avec la couleur du sac, du chandail, ou du chapeau, je m’amuse à deviner de qui il s’agit. Des présences dans ma solitude.

Au fil des jours et des temps de partage, le groupe se façonne, des amitiés se développent, une chimie s’opère. Loin des conversations de salon et des mises à jour factuelles entre parents et amis, les paroles échangées sont authentiques et libératrices. Chacun se révèle à l’autre dans sa vulnérabilité. Ce climat de confiance est la trame de ce tissu qui nous unira tout au long du chemin. Accompagnateurs et accompagnés s’interchangent les rôles. Pendant que les pieds arpentent les kilomètres, on parle, on écoute, on fait du ménage, on apprend et on comprend. Et la journée défile sans parfois même qu’on ne s’en rende compte. Simplicité, spontanéité, vérité.

Seule sur ma route, aujourd’hui, je m’ennuie de vous. Chacun de vous a laissé son empreinte en moi. Je marche et je nous revois encore. Plus le temps passait et plus on était fous! Indisciplinés! Et pourtant profondément ancrés dans la démarche pèlerine. Et bien que tous ces temps de partage m’aient permis de cheminer personnellement, je reste imprégnée de ces grands moments cocasses et touchants qui enracinent les relations. Je revois Nelson nous faire pleurer en donnant son coquillage à Doris. Et Doris nous faire rire en dansant en Espagne. Les Gaspésiennes qui nous organisent une finale en karaoké dans un petit motel de Saint-Yvon. Les messages d’encouragements laissés par Manon et Lucie dans le sable le long de la route. La roche en forme d’Oréo et les chansons de Richard. Les impressionnantes aquarelles de Marie-France et Catherine. Les massages de pieds offerts par Yves. Les constantes réorganisations de tablée avec les compostelanes qui voulaient toujours être assises toutes ensemble. Et que dire de l’équipe de casques de bain dans la piscine! Les chansons de Ginette. Les fraises des champs de Maria. Les coquetteries de Marie-Josée. La soirée d’anniversaire de Jacinthe. Le Cheeseburger de Paul. Les trèfles à 5 feuilles de Line. Le poncho de Carole déchiré par le vent. …. Comme il était bon de se retrouver tous les soirs, à la fin de la journée, et de rire… et de pleurer!

Chaque groupe était le plus beau groupe! La dynamique relationnelle qui se crée en chemin est indéfinissable. La présence de chacun dans le groupe transforme la réalité d’une simple marche en expérience pèlerine.  J’ai tellement hâte de vous retrouver. Car seule, je marche. Mais avec vous, j’écoute, je parle, je chante, je ris, je pleure… je me sens vivre!

Brigitte Harouni