Dis-moi comment tu marches, je te dirai qui tu es

Dis-moi comment tu marches, je te dirai qui tu es

2020-02-07 1 Par Brigitte Harouni

Qui regarde dehors rêve. Qui regarde à l’intérieur se réveille.

Carl Gustav Jung

Pour celui qui prend le temps de s’observer et de se questionner, la réflexion introspective du pèlerinage est un processus de révélation de soi. Un travail qui ne se fait pas sans difficulté. Il n’est pas question ici de critique ou de jugement, mais bien de pur constat, de simple compréhension, accueil aimant de la personne que nous sommes actuellement devenue. Car chacun est le résultat d’un parcours de vie. L’aboutissement temporaire d’une suite d’apprentissages faits au gré des souffrances et des plaisirs. Temporaire, car ce que l’on est en ce moment sera appelé à changer au travers des expériences à venir. Et cette transformation se fait subtilement en douceur, dans le temps.

Marcher un pèlerinage, c’est être appelé au discernement de ce qui se joue en soi. Dès les premiers instants, avant même de quitter son espace connu, à partir de la phase préparatoire qui consiste à préparer son bagage et son équipement, chaque décision, chaque émotion est le reflet de soi. Chacun vit des craintes et des attentes qui lui sont propres et qui émanent de ce que la vie lui a précédemment enseigné. Une fois sur le chemin, tout l’être du pèlerin, dans sa façon d’avancer et d’aborder cette nouvelle réalité, contribue à exprimer celui qu’il est réellement. Alors pèlerins et futurs pèlerins, prenez le temps de tourner votre regard vers vous. Une des richesses du chemin se trouve sous vos yeux. Observez ce qui vous caractérise et vous distingue des autres pèlerins. Écouter, observez, questionnez :

  • Prévoyez-vous utiliser des bâtons, aucun, un seul? Pourquoi? Qu’est-ce qui motive votre choix?
  • Votre sac est-il trop lourd? Trop petit? Vous préoccupez-vous du poids du sac des autres? Vous laissez-vous déranger par les commentaires qu’ils font sur le vôtre? Comment cela vous fait-il réagir? Pourquoi?
  • Votre itinéraire est-il préétabli? Cherchez-vous des informations pour prévoir chaque journée à l’avance? Aimez-vous réserver vos hébergements? Pourquoi? Avez-vous volontairement décidé de ne pas tout organiser pour vous laisser une marge de liberté en chemin? Aimez-vous vous laisser porter par les imprévus? Pourquoi?
  • Préférez-vous marcher seul ou accompagné? Pourquoi? Aimez-vous marcher en silence? Avez-vous sélectionné des listes de chansons pour faire la route? Savez-vous le dire à l’autre lorsque vous souhaitez être seul? Pourquoi?
  • Marchez-vous à votre rythme ou vous laissez-vous influencer par le pas de l’autre, l’urgence d’arriver, la cadence planifiée d’avance? Pourquoi? Savez-vous vous arrêter lorsque la douleur se fait sentir? Ou lorsqu’une occasion désirable se présente? Ou simplement pour prendre plaisir à faire la route? Qu’est-ce qui vous amène à vous arrêter? Qu’est-ce que cela dit de vous?

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à ces questions. La vôtre, c’est la bonne. Le défi pour chacun est de savoir se parler avec franchise, sans détours, sans malaise, sans honte, sans crainte du jugement. Pour celui qui le souhaite, il est possible d’entrer encore davantage dans cette introspection pèlerine en questionnant son niveau de confiance, son degré de liberté et ses peurs.

  • Qu’est-ce qui me retient, me freine, m’empêche de faire pleinement confiance?
  • Quel manque me fait peur? Peur de la solitude, de me perdre, de manquer de temps, d’argent, de nourriture, d’eau? Peur de me blesser? De devoir abandonner? De ce que les autres vont penser?

À chaque réponse, prenez le temps de remonter à la source du comportement observable et ressenti. D’où ce trait de caractère, qui vous est propre, provient-il? Qu’est-ce qui l’a fait naitre et l’a consolidé au fil de votre vie? Et aujourd’hui, comment cela vient-il teinter et influencer vos décisions et vos agirs?

Le sanctuaire du pèlerin est ce lieu où il se sent accueilli et aimé tel qu’il est. Un espace d’épanouissement auquel il aspire et vers lequel il tend à se rapprocher un peu plus chaque jour. Il en va de même pour le chemin intérieur. Prendre le temps de se regarder, de se questionner, de se comprendre, de s’accueillir et de s’aimer, c’est se permettre de grandir et d’aller vers mieux en faisant des choix éclairés et sentis.

Brigitte Harouni