Qu’est-ce qu’un pèlerin au 21e siècle?

Qu’est-ce qu’un pèlerin au 21e siècle?

2019-10-11 2 Par Brigitte Harouni

L’âne peut aller à la Mecque, il n’en reviendra pas pèlerin

Proverbe arabe

Lorsque nous avons démarré notre blogue « Bottes et Vélo : le pèlerin dans tous ses états! », il y a plus de cinq ans aujourd’hui, nous avons longuement discuté, et c’est légitime, avant de convenir de l’utilisation du mot « pèlerin ». Et bien que le temps passe et que la popularité des chemins de Compostelle soit toujours florissante, le mot « pèlerin » demeure encore aujourd’hui une source de questionnement pour plusieurs d’entre nous : lecteurs, marcheurs, fidèles amis de Bottes et Vélo, et même pèlerins aguerris! Cette recherche de définition n’est pas sans raison. Le pèlerin d’aujourd’hui, celui que l’on voit sur les chemins de Compostelle et sur nos petits Compostelle québécois, n’est plus tout à fait comme le pèlerin d’autrefois. Le pèlerin d’aujourd’hui ne voyage plus ni dans les mêmes conditions matérielles, ni dans les mêmes contextes socio-politiques qu’anciennement. Et en outre, il n’est plus nécessairement relié au domaine religieux. C’est cette distinction, cette différenciation, qui incite à l’actualisation de la définition.

Ainsi, depuis cinq ans, au fil des échanges courtois entre amis, des débats éclairés entre érudits universitaires, et des fermes argumentations entre pèlerins expérimentés, j’ai moi-même longuement réfléchi la question. À noter tout d’abord que le fait de conserver le mot « pèlerin » semble unanime, pour tous ceux qui ont fait Compostelle. Le pèlerin de Compostelle, n’est ni un randonneur, ni un marcheur, ni un simple touriste. Il est un peu tout ceux-là, et un peu plus encore. Maintenant, je vous partage les fruits de ma cueillette des définitions. À la question, qu’est-ce qu’un pèlerin au 21e siècle, les réponses les plus fréquentes sont :

Le pèlerin est une personne qui voyage principalement à pied, avec un sac au dos, qui parcourt plusieurs kilomètres par jour, et qui part au moins un mois. Il ne transporte que son nécessaire, recherche un vivre autrement, en simplicité, et va de village en village, de rencontre en rencontre. C’est aussi quelqu’un qui prend le temps de savourer sa route, qui a un côté épicurien et qui sait profiter de l’instant présent. Le pèlerin marche avec une intention, une quête, une réflexion spirituelle, tout en se dirigeant vers un sanctuaire, ou du moins vers un lieu prédéterminé ayant une signification pour lui.

J’en étais rendue à cette définition large et selon moi complète, lorsque cheminant sur le Camino Francès, en Espagne, j’ai observé certains comportements de la part de pèlerins qui m’ont amenée à pousser encore plus loin ma réflexion. Que ce soit de laisser ses déchets sur place, de se soulager la vessie dans un lieu habité, d’être tapageur très tôt le matin, d’exiger des services/caprices en prétextant que l’on paie, de cueillir les fruits d’un arbre sur un terrain privé, d’abuser de la générosité sans vouloir payer car on est pèlerin; plusieurs attitudes sont venues ébranler le portrait que je m’étais faite du pèlerin, m’obligeant alors à retourner y ajouter des précisions.

Au-delà de l’apparence (sac à dos, bottes, bâtons, chapeau), au-delà des faits observables (kilométrage, durée, destination), au-delà des valeurs personnelles (simplicité, goûter l’instant présent, retour aux sources); être pèlerin c’est une façon d’être à la vie et aux autres pour un mieux-vivre ensemble. Le pèlerin est un être de relation. Relation aux autres et à ce qui l’entoure. Conscient de l’importance d’un équilibre en toute chose. Sensible aux lieux qu’il traverse. Loin d’être un saint, il est avant tout humain. Et tout comme l’infirmière hors de l’hôpital, ou l’enseignante hors de sa classe, ou le photographe hors de son studio, le vrai pèlerin hors du chemin demeure un pèlerin même sans son costume d’apparat. Être pèlerin c’est accéder à un certain niveau de conscience humaine et de maturité spirituelle. C’est une attitude face à la vie.

Brigitte Harouni