Un espace-temps d’incubation

Un espace-temps d’incubation

2019-02-08 0 Par Brigitte Harouni

Qu’est-ce que l’impossible ? C’est le fœtus du possible. La nature fait la gestation, les génies font l’accouchement.

Victor Hugo

Dans un monde où tout va de plus en plus vite et où efficacité rime avec rapidité d’exécution, prendre une pause est bien mal perçu; être à la dernière minute est un défaut; être lent devient un irritant pour autrui; s’amuser et ne rien faire de constructif fait naitre un sentiment de culpabilité. Pourtant, plusieurs études le démontrent bien, pour être créatif et productif, il est bénéfique d’offrir des temps de loisir et de saine détente à notre cerveau.

Face à une situation dans laquelle vous avez l’impression de tourner en rond, quand les solutions rapides paraissent désuètes et ne vous séduisent pas, il peut être avantageux de tout laisser en plan et d’aller vous changer les idées. Ce temps d’arrêt qui peut sembler aux yeux de certains être de la déresponsabilisation, de la procrastination, voire une perte de temps, permet pourtant à celui qui le vit de trouver des réponses plus créatives et efficaces. Ce temps de recul, permet de cueillir un plus vaste éventail de possibilités de solutions, de laisser émerger des idées alternatives, parfois même un peu folles. Même sans chercher activement, un travail continue de se faire dans l’arrière-boutique de votre cerveau. Vous êtes en train de couver quelque chose!

Certains s’évaderont à travers les arts ou les sports, en dansant, en jouant grattant la guitare, en faisant de la photo, en joggant, en jouant au hockey… Pour d’autres, la réalisation manuelle offrira cet espace de repos : restauration de meubles, travail du bois, couture, jardinage, réalisation culinaire, mécanique des moteurs…. Mais quand le quotidien embrouille et embrume nos pensées, s’extraire physiquement de son monde devient la solution pour y voir plus clair.

Le chemin devient alors un incubateur. Au gré des pas, l’esprit vagabonde. Sautant d’une idée à l’autre. Librement. Il n’est plus dans l’urgence de produire une réponse. Il prend le temps de traiter la question en la considérant sous différents angles. Sans pression, il s’offre le luxe de quitter ces raisonnements traditionnels-préfabriqués installés par défaut depuis la naissance, pour aller vers l’inattendu, l’original, le « personnalisé à soi ». Il part et revient tout le long du chemin. Imaginant et rêvant. Sans censure. Il butine d’une réflexion à une autre, créant des liens entre elles, tissant un réseau de possibles. Et plus le temps passe, sans forcément penser, en savourant même parfois le plaisir de ne pas penser, plus le pèlerin se rapproche d’une réponse qui lui sera tricotée sur-mesure.

Le temps est une composante incontournable et bien souvent incontrôlable de la vie. On dit bien « Prendre SON temps ».  Car chaque chose a un temps qui lui est propre. Pèlerin, backpacker, migrant, randonneur. Celui qui part marcher plusieurs jours avec un sac au dos est en quête d’un espace-temps d’incubation. Un temps d’arrêt, en retrait, à l’abri des assauts intrusifs et envahissants de sa vie quotidienne, pour se réfléchir, reconsidérer, rêver, et s’écouter vivre!

Brigitte Harouni