Le vide nécessaire

Le vide nécessaire

2018-11-09 1 Par Brigitte Harouni
Vivre est la chose la plus rare. La plupart des gens se contente d’exister.
Oscar Wilde

La vie est ainsi faite que nous la recevons sans vraiment savoir pourquoi. Pourquoi moi? pourquoi maintenant? pourquoi ici? Et nous ne savons pas non plus pourquoi elle nous quitte, ni quand elle le fera, ni comment. Alors jusque-là, on vit. Mais qu’est-ce exactement que vivre?

Dans cette urgence de vivre des temps modernes, on consomme la vie sans prendre le temps de la goûter, de la savourer. On avance, le regard dans notre agenda, vissé à un écran, concentré sur l’urgence de l’immédiat. Auto-métro-boulot-texto-dodo. Tellement en quête d’équilibre et de stabilité dans nos vies qu’elles en deviennent statiques. Est-ce ça la vie? Un rythme de croisière vers nulle part ?

Alors pour combattre la routine, on multiplie les activités, les sorties, les voyages. On magasine, on rénove, on se paie des gâteries. On revient content, fatigué, les poches un peu trop vides, découragé ou même angoissé à l’idée de réintégrer le train-train quotidien. Serait-ce ça la vie? L’alternance entre obligations contraignantes et désirs un peu fous?

Quand on accède à un instant de bonheur, on souhaite spontanément le figer, le saisir, le retenir pour en faire durer ce délicieux ressenti. Pourtant tout autour de nous est changement. Tout est en perpétuel mouvement. Alors pourquoi en serait-il autrement dans nos vies? L’émotion du premier baiser ne reviendra pas. La soirée remplie d’éclats de rire entre amis est passée. Notre mignon petit bébé rentre maintenant à l’université. La vie est faite d’une succession de petites morts, de constants petits deuils. De chacune de ces morts découlera une naissance, une opportunité de changement. Cette absence, ce vide, libère la place pour qu’une nouveauté, un imprévu, un inconnu puisse émerger.

Ces périodes de transitions, ces passages à vide, parfois même à vide de sens, peuvent sembler parfois interminables, douloureuses ou difficiles à traverser. Cette peine d’amour insurmontable, ce départ trop prématuré d’un être cher, cet accident malheureux qui change l’itinéraire qu’on s’était imaginé, sont autant de deuils qui font partie de la vie. Mais aussi souffrants que ces moments soient, la vie continue. Dans toute cette détresse intérieure, un seul désir: retrouver l’équilibre, le plaisir de vivre. Alors pour survivre à l’épreuve, on se met en marche!

Se mettre en marche, c’est redéfinir sa trajectoire de vie pour qu’elle soit signifiante pour soi. Pèlerin sur l’intraçable route de la vie, temporairement déboussolé, on prend le temps de s’arrêter, de questionner l’orientation de sa route. On apprend à faire confiance, à oser ! Oser le changement. Non plus seulement pour le subir mais aussi pour l’initier. Marcher c’est passer à l’action pour plus de vie. Faire un petit pas, si petit soit-il, dans la direction de ce rêve, de cette promesse de mieux-être qui scintille en moi et m’appelle au mouvement. Car plus que tout, la vie est mouvement. Elle est dans cette nouvelle pluie qui irrigue le sol, dans le bourgeonnement de feuilles nouvelles au printemps, dans le mouvement constant et inconscient de ma respiration. La vie se ressent. Avec ses hauts et ses bas. Ses plaisirs et ses peines. Elle est insaisissable, incontrôlable. Tenter de la retenir, c’est comme retenir son souffle, on finit par manquer d’air.

Brigitte Harouni