Boyd Lalonde – Marcher pour se retrouver

2015-06-12 0 Par Éric Laliberté
Marcher c’est retrouver ce rythme qui est celui de l’univers, celui de la respiration, celui de notre coeur, le rythme des caravanes, des colporteurs et des pèlerins.
Michel Jourdan & Jacques Vigne

La Voie-du St-Laurent - GaspésieUne voiture peut rouler 200, 250, 300 km/h, peut-être même plus, selon le modèle. Maintenez ce régime tous les jours pendant plusieurs heures, votre voiture ne fera pas long feu… Et c’est de la mécanique! On serait quand même en droit de s’attendre à plus performant, plus durable avec la technologie d’aujourd’hui. Quand même!

Les producteurs manufacturiers ont compris depuis longtemps : exiger beaucoup, user rapidement, remplacer. C’est ce qui fait rouler l’économie. On fabrique même de qualité moindre pour que l’objet brise plus rapidement et soit remplacé plus souvent. Cette mentalité est tellement bien ancrée dans la vie courante qu’il est devenu normal d’utiliser et de jeter. Tout se remplace rapidement. Nous exigeons beaucoup des objets que nous utilisons. Nous avons beaucoup d’attentes envers eux et nous désirons qu’ils accomplissent ce pourquoi ils sont fabriqués. C’est normal, ce sont des outils conçus pour soutenir la vie courante! Seulement, voilà, nous usons de notre corps de la même façon…

Bottes et Vélo - Pèlerinage La Voie du St-Laurent - Juillet 2014Imaginez votre corps subir la même pression que peut subir l’automobile: performance, compétitivité, efficacité, se dépasser sans cesse, obligation de se distinguer, la pédale dans le plancher tous les jours; ceci sans compter le stress, l’angoisse et l’anxiété qui viennent s’ajouter à ces exigences imposées au corps. Un mal être que la mécanique automobile ne ressentira jamais.

Tout comme la voiture, on peut maintenir le rythme quelques années, plusieurs pour certains, mais nous finissons tous par nous rendre compte de l’absence de sens d’une telle agitation. Où allions-nous pendant tout ce temps? Quelle direction avait ma vie? Où cela me mène-t-il? Le corps finit par flancher, l’esprit s’embrouille. Le surcroit de pression fait « tilter » la machine humaine. Et nous avons peu de considération pour le corps-objet que nous avons surutilisé. On est porté à le mettre au rancart. Il est lâche celui ou celle qui flanche sous la pression…

Le rythme social d’aujourd’hui engendre de nombreux troubles de santé mentale. Nous sommes nombreux à être touchés, de près ou de loin, par ce fléau qui tue à petit feu, qui emporte des vies et qui, bien souvent, est considéré comme une faiblesse. Il serait important de revoir nos exigences, de nous comporter humainement envers nous-mêmes et envers ceux qui nous entourent, non comme avec des objets.

Bottes et Vélo en compagnie de Boyd Lalonde - 10 juin 2015Cette semaine, nous avons fait la connaissance de Boyd Lalonde. Boyd a un de ces parcours original qui dit combien le désir de vivre est fort en chacun de nous. Parti à pied des rives de l’Ile de Vancouver, nous l’avons croisé juste avant Montmagny, le 10 juin. Boyd compte se rendre jusqu’à Terre-Neuve. Une fois là-bas, il fera demi-tour pour rentrer chez lui.

L’épopée est à elle seule extraordinaire. Seulement, les raisons qui ont poussé Boyd à accomplir ce périple nous laissent pensifs. Boyd avait une entreprise qui roulait sur l’or quand tout a basculé et qu’il a sombré dans la dépression. Pourquoi? Probablement qu’un peu de tout ce qui a été dit auparavant était en cause : surplus de travail, manque de sommeil, stress de performance, absence de sens…

Au cours de cet épisode de sa vie, il a tout perdu. Après plusieurs tentatives de suicide, il se retrouve sous médication pour l’aider à vaincre cet état dépressif qui l’habite continuellement. Au bout d’un certain temps, les médicaments lui occasionnent des problèmes de santé qui enlèvent encore à sa qualité de vie. Les médecins lui disent qu’ils ne peuvent réduire sa médication les risques sont trop grands de le voir replonger dans la dépression. Boyd se sent coincé dans un cul-de-sac. Sa vie n’a plus d’issue. C’est pire que la mort.

Boyd Lalonde - 10 juin 2015N’ayant plus rien à perdre, il choisit une alternative toute simple qui va faire basculer sa vie. Il décide de marcher. Mais pas n’importe quelle marche! Il décide de partir en quête de lui-même, « to find myself again» comme il le dit dans une vidéo sur son blog (http://canforrest.blogspot.ca/). Une marche pour reprendre contact avec la vie en lui, dans la grâce de Dieu. C’est un long pèlerinage qui commence…

C’est le 18 février 2013 que Boyd s’est penché sur les eaux froides du Pacifique pour emplir une petite bouteille d’eau qu’il garde précieusement sur lui. Cette bouteille porte en elle le désir de son pèlerinage : retrouver l’équilibre en lui. Cette bouteille, il la versera dans les eaux de l’Atlantique pour ensuite la remplir à nouveau et ramener l’eau de l’Atlantique vers le Pacifique. Boyd « le porteur d’eau »! Une eau pleine d’espoir.

Boyd Lalonde - 10 juin 2015Aujourd’hui âgé de 51 ans, tout sourire et l’air serein, Boyd nous dit que sa santé n’a jamais été aussi bonne. Il ne prend plus de médicaments et cet état dépressif l’a quitté. Malgré les vents, malgré la pluie, malgré le froid, malgré la chaleur, Boyd avance et semble avoir trouvé ce qu’il cherchait. Sa vie reprend son sens et son pèlerinage le fait entrer dans cet espace de sanctification appelant le meilleur de lui-même et le laissant resplendissant.

Le pèlerinage a cet effet rassembleur sur l’humain. Il réunifie les dimensions de notre humanité que nous avions dispersées dans le flot de notre course sociale. Il remet la vie au cœur de nos préoccupations et lui redonne de la perspective. À travers cette longue marche, le physique, le psychique et le spirituel se trouvent à nouveau réunis. Ils s’harmonisent et travaillent de concert à notre épanouissement. L’être humain est pleinement vivant lorsqu’il agit en cohérence avec sa nature vivante. Nous sommes des êtres issus de la Vie, des êtres naturels. Notre rythme est celui du vivant. La nature ne performe pas, ne se presse pas. Elle suit son cours libérant toujours plus de vie. L’être humain s’inscrit dans ce parcours, non dans celui de l’objet. Le pèlerinage est une célébration de notre humanité.

Bonne route Boyd!Bottes et Vélo - Emblême
Éric Laliberté