Le second souffle du pèlerin

2016-03-11 2 Par Brigitte Harouni
La vie s’arrête lorsque la peur de l’inconnu est plus forte que l’élan.
Hafid Aggoune
Adolescente, durant les cours d’éducation physique, je redoublais de créativité pour éviter l’épreuve insurmontable que représentait la course d’endurance.  Courir me mettait dans un état d’essoufflement tellement inconfortable et paniquant que je ne souhaitais qu’une chose, m’arrêter pour reprendre mes sens ou mieux encore, trouver une bonne excuse pour fuir cette souffrance. Mon enseignant m’encourageait et me poussait à poursuivre l’effort : « continue, tu vas trouver ton second souffle! » J’avais plutôt l’impression que j’allais perdre connaissance.
La Voie du St-Laurent

Pourtant, un jour, ne pouvant éternellement éviter mes obligations, j’ai couru en maintenant l’effort, et j’ai enfin compris ce que voulait dire mon enseignant. J’ai découvert cet état dans lequel nous fait basculer le second souffle. Je l’ai vécu comme un regain d’énergie, un nouvel élan. Je venais de changer de vitesse, d’embrayer sur une plus petite roue. Je me sentais capable de courir tout le reste de la journée. Une sensation de soudaine facilité, libérée de la compression de ma respiration, venait de me surprendre. Évidemment l’explication physiologique du phénomène est simple : lorsque je m’active, mon rythme cardiaque et ma respiration s’élèvent, obligeant les grandes fonctions de mon corps à s’adapter à ce changement. La sensation de bien vivre malgré l’effort, le second souffle, arrive lorsque le corps a réussi à s’ajuster à la demande et à se stabiliser. Je ne m’éterniserai pas sur les explications du phénomène car ce qui m’attire ici, c’est tout ce que ce second souffle m’a permis d’apprendre, tout ce qu’il symbolise dans la vie. Car, à partir de ce moment, mon rapport à l’exercice physique soutenu a changé. Sans pour autant devenir une fervente marathonienne, je me suis résignée à faire l’effort demandé car je savais maintenant, que malgré l’essoufflement et la congestion respiratoire, j’allais accéder à un mieux-être. Je savais que mon second souffle viendrait. Winston Churchill a dit : « Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer.» Et il avait bien raison. Si j’arrête de courir au lieu de persévérer dans l’effort, alors tout le travail entamé devient désuet. Et lorsque je reprends ma course, tout est à recommencer.

La Voie du St-LaurentAujourd’hui adulte, je m’engage annuellement dans de longs pèlerinages, que ce soit à pied ou à vélo, et je passe ce même cap du second souffle à chaque fois. Sauf que je ne parle plus de second souffle ici car le cap franchit n’est pas uniquement physique. Il est également mental. Après quelques jours de pur plaisir, de dépaysement bucolique touristique, survient l’accumulation de fatigue du corps et ce petit creux dans le moral: « pourquoi me donner autant de misère? Pourquoi ne pas voyager en voiture? Pourquoi ne pas prendre des vacances plus confortables? » Le désir de tout arrêter. Puis, arrive le 10e jour (aux environs du 10e jour) : Le second souffle du pèlerinage! Ce moment où la pèlerine que je suis, entre dans un nouvel état physiquement et mentalement. Après tous ces jours d’ajustement face aux changements demandés que ce soit tant au niveau de la routine de vie qu’au niveau des efforts exigés sur le corps, tout en moi semble s’être adapté à mon nouveau mode de vie, me rendant ainsi chaque journée plus facile. Investie de cette nouvelle énergie, je me sens prête à cheminer sur des kilomètres l’esprit maintenant disponible pour jouir pleinement de l’expérience. C’est sachant que ce 10e jour existe que je me pousse à repartir pèleriner. Car malgré l’épuisement et le découragement que je vis après une semaine, je sais que mes efforts seront prochainement récompensés et que je découvrirai cet état de plénitude que ce mode de vie me procure.

La Voie du St-LaurentDans les deux cas, l’expérience me permet de réaliser que le corps est une machine surprenante ayant une capacité d’adaptation incroyable. Quel que soit le défi que je décide de relevé, l’épreuve que la vie met sur ma route, le corps passera au travers. Tout dépend donc de l’état d’esprit dans lequel je choisis d’affronter ma difficulté et de surmonter l’adversité. Mon expérience de vie, la découverte du second souffle, celle du 10e jour, m’incitent à croire en l’avenir, à croire en mes capacités à survivre à une épreuve, à croire en mon potentiel de résilience, c’est-à-dire, ma capacité à résister aux assauts de la vie et à transformer ma façon d’être et de faire, à me reconstruire une nouvelle zone de confort. Mon expérience de vie me démontre que la douleur n’est pas éternelle, qu’elle passera si je fais les efforts pour aller vers ce « meilleur » que je me suis fixé. Et c’est cette conviction qui m’aidera dans mes épreuves futures à persévérer, car c’est la persévérance qui me mènera à atteindre cet état de mieux-être que je désire rejoindre. C’est cette foi, cet élan intérieur qui me pousse vers l’avant, qui rend la suite possible.

Pas besoin de courir, ni de pèleriner pour connaitre la sensation du second souffle. Il suffit de devoir persévérer dans une voie qui nous semble sans issue, douloureuse ou insurmontable, mais qui nous apparaît comme un passage nécessaire pour accéder à un objectif que l’on désire réaliser.  Le second souffle, ou le 10e jour, indiquent qu’avec endurance, détermination, un pas à la fois, nous traverserons cet enfer. Le second souffle, c’est le moment où vous commencerez à vous sentir plus léger, plus heureux d’être rendu là où vous êtes. Vous serez passés à travers l’œil de votre cyclone, le défi vous semblera moins effrayant, vous vous sentirez plus en contrôle. Le second souffle vous permet de conscientiser tout votre potentiel de résilience!Bottes et Vélo - Emblême

Brigitte Harouni