La magie du chemin

2015-05-22 0 Par Brigitte Harouni
Le plus grand voyageur n’est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde,
mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.
Gandhi

Cathédrale St-Jacques-de-CompostelleChaque année au printemps, des hommes et des femmes partent marcher les chemins de Compostelle, espérant y trouver la réponse à un mal qui les tourmente. Le pèlerin d’aujourd’hui, celui qui se décrit comme étant plus spirituel que croyant, n’est pourtant pas bien différent de celui d’autrefois. Il croit en la magie du chemin. Mais où donc s’opère cette magie?

Depuis des siècles, des milliers de pèlerins se rendent dans différents sanctuaires dans le but de voir leurs prières s’exhausser. En voiture, en autobus, à vélo ou à pied, par voies maritimes ou voies terrestres, ils sont nombreux à se déplacer, parfois en ultime recours à un malheur ou un mal-être, d’autre fois simplement par dévotion et piété. Pour plusieurs la puissance divine habite le cœur du sanctuaire, la cathédrale, et le but du voyage est déterminant. Mais pour d’autres, la réponse à leur prière naîtra de chaque pas effectué dans la direction du sanctuaire; c’est le chemin, qui est porteur des bienfaits.

Ne faisant pas exception à la règle, je suis partie faire le Camino Francès en quête de réponses. Sassant et ressassant ma problématique dans ma tête, chaque jour, sans solution, j’ai cru que marcher ce chemin renommé ferait jaillir en moi la lumière qui éclairerait ma réflexion et me guiderait vers la bonne décision à prendre. Avant de partir, mes pensées tourbillonnaient, rebondissaient et martelaient dans ma tête, comme un mauvais refrain dont on ne peut se défaire. Compostelle  - BurgosMes attentes étaient grandes. Les premiers jours de marche, loin d’être magiques, étaient plutôt éreintants. Et bien qu’émerveillée par les paysages et enthousiasmée par l’aventure, j’avais peu de temps pour penser à mes problèmes. Une grande partie de mon attention était concentrée sur mon corps, mes petits bobos, la gestion de l’eau et de ma vessie, la faim et le sommeil. Je me suis dit que j’aurais bien le temps d’aborder ma problématique plus tard. J’avais encore 3 semaines pour y penser. Puis le temps passant, mon corps s’est adapté, a adopté ce nouveau rythme de vie et le plaisir des sens a pris la relève. Ma tête s’est détendue. La tempête intérieure s’est graduellement estompée. Et je me suis mise à profiter du moment présent. «Allez! Je me gâte!» Maman, directrice d’école, conjointe, amie, fille, bru : tous les chapeaux ont pris le bord! Moi qui faisais passer tout et tous avant mes besoins et désirs, je décidai alors de prendre ce temps pour moi. Mes problèmes attendront aussi, parce qu’à ce moment présent, je voulais profiter de tout ce beau et bon qui m’entourait. J’aurais bien le temps d’y revenir. Il me restait encore 2 semaines pour y penser. Et plus les jours passaient et plus je me sentais bien. Mes pensées papillonnaient et voletaient au gré du bonheur de la route. Je réalisais alors que ce qui me faisait le plus grand bien n’était pas d’avoir du temps pour penser, mais bien au contraire, de ne plus avoir rien à penser. Compostelle - Croix de ferPas de souper à planifier, pas de lunch à prévoir, pas de fin de semaine à organiser, pas de dossier urgent à traiter, pas de rendez-vous pressant à insérer dans un agenda trop rempli, pas de taxis à faire pour les cours des enfants en même temps qu’une réunion incontournable…. ! Pour moi, elle était là la magie du chemin. Cet allégement cérébral, ce ménage intérieur, désencombrait mes pensées et me permettait alors de réfléchir à «tête-pleinement-reposée». Ce moment de trêve dans le chaos de mes voix intérieures me permettait d’entendre l’essentiel, de l’identifier, de le regarder et de le réfléchir. La sainte paix! La vraie!

Suis-je revenue avec une solution à mon problème initial? Non. Mais je suis revenue plus consciente de ce que je veux, de ce qui me fait du bien, de ce que je ne veux plus et de ce qui me nuit. Je peux donc dire que j’ai trouvé le chemin vers mon sanctuaire. Et il est en moi.Bottes et Vélo - Emblême

Brigitte Harouni