
Le goût de vivre
Ma vie c’est moi qui vais la peindre, alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs.
Grand Corps Malade
Sur le chemin pèlerin, comme sur celui de la vie, tout est mouvement. Rien ne demeure. Tout passe. Poussée par le temps qui s’écoule, la vie avance malgré nous. Pas de statu quo. Pas de retour en arrière. Seul l’avenir peut s’écrire.

Chaque matin le pèlerin prend la route. Continuer est un incontournable, une évidence! Ses journées sont rythmées par des paysages magnifiques, des rencontres mémorables, mais aussi des embûches et des blessures. Abandonner son pèlerinage étant impensable, chaque soir, il prend le temps de s’arrêter pour réfléchir à la manière de rendre sa marche du lendemain encore plus agréable, encore plus en accord avec ce qu’il souhaite vivre à travers ce périple. Il repense l’organisation de son sac à dos, encore et encore, jour après jour, jusqu’à le rendre le plus parfait possible : plus léger, plus fonctionnel, plus efficace. Il reconsidère sans arrêt les soins qu’il porte à ses pieds jusqu’à trouver la formule qui lui convient le mieux : poser des pansements dès le matin, enlever plus souvent ses bottes, faire des bains d’eau glacée en fin de journée. Il optimise sa routine du soir : ranger ce qui ne servira plus, préparer les effets pour le lendemain, mettre à portée de main ce qui sera nécessaire demain. Les premiers jours, le pèlerin consacrera beaucoup de temps à cette recherche d’ajustement optimal.

Poursuivant son chemin, satisfait de ses améliorations sur le plan physique et technique, il prend conscience qu’il pourrait aussi revoir sa manière de planifier son parcours et d’habiter le temps. Il se permet alors de faire les pauses et les détours qui l’inspirent et qu’il ne s’autorisait pas, trop pressé qu’il était à abattre les kilomètres et à atteindre l’objectif de sa journée. Dès lors, il s’offre le plaisir de flâner dans le village qu’il trouve coquet, de s’arrêter une seconde fois sur une terrasse, de se baigner dans la rivière, d’enlever ses bottes pour marcher la plage, de faire un brin de jasette avec un cultivateur…
Jour après jour, ce pèlerin qui avance inlassablement n’a, sans en avoir pleinement conscience, qu’un seul objectif : rendre sa route chaque jour un peu plus agréable, un peu plus savoureuse. Ce chemin, il l’a désiré, il l’a rêvé. Il veut maintenant le vivre et surtout bien le vivre! Tous ces ajustements, ces temps de recul et de discernement n’élimineront pas les défis et les épreuves du chemin, mais ils les rendront plus faciles à traverser.
Pèlerin sur le chemin de la vie, n’est-ce pas ainsi que nous devrions avancer? Comme le cuisinier qui goûte sa sauce, y ajoute un peu plus d’épices, y goûte à nouveau, puis ajuste avec une pincée de sel avant de goûter encore une fois, toujours dans l’intention d’en affiner la saveur… Ne devrions-nous pas, nous aussi, prendre régulièrement le temps de savourer chaque instant de notre vie, d’en apprécier la teneur, afin d’ajuster notre quotidien pour qu’il soit à notre goût?

Brigitte Harouni
C’est un grand plaisir de te lire! Merci Brigitte
C’est exactement ça le chemin et c’est pour ça qu’on en revient changé et que l’on veut toujours le revivre. Mon premier camino a ressemblé à ce que tu décris et j’ai pleinement savouré, evitant toujours d’aller au bout des ressources et de l’énergie pour pouvoir apprécier ce que la vie m’offrait. Mon deuxiême fut à peu près le contraire et je me dis que c’est ce que je devais vivre pour comprendre profondément que le chemin de l’un ne doit pas s’adapter au chemin de l’autre. J’ai compris qu’être incompris fait mal et j’avance pour écrire mon futur, comme tu dis si bien. Merci pour ce magnifique texte, j’en suis encore à replacer mon sac de la vie tous les matins, c’est un éternel apprentissage. J’aime te lire.