Chemin de Transformation : Entre Souffrance et Accomplissement
Il n’y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat.
Jean-Jacques Rousseau
Que ce soit l’ascension du Mont Washington, le trek sur le sentier des Appalaches ou la traversée du Lac Saint-Jean à la nage, chacune de ces épreuves impose un défi qui sollicite à la fois l’endurance et la persévérance de ceux qui s’y engagent. Si, à première vue, l’enjeu semble purement physique, il n’en demeure pas moins que l’esprit est tout autant mis à l’épreuve. Ce même principe s’applique à d’autres défis du quotidien : qu’il s’agisse de développer ses qualités artistiques, de changer une habitude nuisible ou de maitriser une nouvelle compétence qu’elle soit intellectuelle ou physique, l’alliance du corps et de l’esprit est essentielle pour atteindre l’objectif désiré.
Se mettre au défi, c’est se lancer dans un combat, une lutte tant intérieure qu’extérieure, qui exige un véritable dépassement de soi. L’intensité de ces épreuves ne fait aucun doute. Elle annonce la présence inévitable de souffrances tant physiques que mentales. Toutefois, pour que le défi soit réellement significatif, cette souffrance doit rester « raisonnable », c’est-à-dire, proportionnée aux capacités de la personne. Si elle dépasse cette limite, elle risquerait de rendre l’objectif inatteignable et de compromettre les apprentissages inhérents au défi. On ne s’engage donc pas dans un défi dans le but de se faire souffrir, de se blesser, ou de se faire du mal. En revanche, si la difficulté est trop faible, si le défi est trop facile, si la souffrance est insuffisante, l’individu ne pourra pas en tirer tous les bénéfices.
La célèbre citation « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » tirée de la pièce « Le Cid » de Corneille, illustre parfaitement l’importance de la valeur des épreuves à surmonter pour que la victoire ait du mérite et qu’elle soit source d’un sentiment d’efficacité personnelle. Celui qui décide de se lancer dans un processus qui lui sera exigeant et dérangeant ne le fait alors pas uniquement pour atteindre un objectif concret (arriver au sommet, passer la ligne d’arrivée, donner une représentation devant public, cesser de fumer, …) mais pour toutes les transformations profondes qu’entraine ce cheminement. Le défi, par la « souffrance raisonnable » qu’il implique, pousse la personne à dépasser ses limites, à sortir de sa zone de confort, à se découvrir des forces, à surmonter ses peurs, à actualiser son plein potentiel, à adopter un « faire et un être autrement » qui lui sont bénéfiques. L’émotion ressentie au moment de la réussite est telle que les mots peinent à en rendre toute la richesse : fierté, accomplissement, confiance en soi, sentiment de compétence, fierté, accomplissement, …
Si l’on parle tant des chemins de Compostelle, c’est qu’il s’y vit quelque chose qui est de l’ordre du défi. Si cette expérience est source de grandes transformations, si elle laisse une marque indélébile au cœur de celui qui la vit, c’est parce qu’elle présente elle aussi cette dose de « souffrances raisonnables » tout au long du parcours. Cette souffrance n’est pas que dans les bottines. Elle est dans l’inconfort du lit, dans la chaleur de la journée, dans le poids à transporter, dans le manque, le dépouillement, la promiscuité, la solitude, … Et plus le pèlerin aura accepté d’entrer dans le défi, de traverser ces épreuves, plus les bienfaits seront grandissants!
Brigitte Harouni