Contribuez au bon goût du monde

L’expérience pèlerine est un espace qui se construit dans le mouvement de chacun de nos pas. Animée par ce mouvement, elle met en relation des individus, des éléments, distincts!

Faire une expérience implique de mettre en relation différents éléments et d’observer les réactions qui se produisent à leur contact. Comment ça bouge? Quels sont les effets de cette rencontre? Qu’est-ce que cela produit? L’élément seul ne réagit pas. C’est au contact de l’autre qu’une réaction se produit. Ainsi, mélanger de l’eau avec de l’eau ne risque pas de susciter de grands effets. En revanche, mettre de l’eau sur de l’huile bouillante risque de vous surprendre!

La rencontre d’éléments différents suscite des réactions. Celles-ci peuvent s’avérer explosives, mais il arrive, bien plus souvent qu’on ne le pense, qu’elles soient savoureuses, incroyables ou riches de sens. Entrer dans l’expérience appelle une part de risque. Comme on le dit souvent, les grandes découvertes se font souvent par inadvertance, par erreur!

Ces expériences sont cependant souvent envisagées de manière extérieure : l’événement se produit à distance de moi, non en moi.

En contexte pèlerin et dans la vie courante, sans que nous nous en rendions compte, il en va autrement : je fais partie de l’expérience. Je suis l’un des ingrédients actifs. Et lorsque je dis « actif », cela signifie que je m’implique dans l’expérience, que j’ose interagir, que je me laisse déranger par les événements et les rencontres. Je suis touché dans tout mon être par ce que je vis et, par ce que je suis, je donne de la couleur et du parfum à l’expérience avec tout mon être. S’il m’arrive certains jours d’être salé, d’autres jours je suis sucré, aigre ou encore acide. Ma saveur change selon les rencontres auxquelles je suis exposé. Des réactions s’opèrent alors en moi et font en sorte que je contribue à la saveur de l’expérience du chemin.

Cependant, si pour moi cette expérience a un certain goût, je dois considérer que je ne suis pas « la saveur » du chemin et que le goût de cette expérience me dépasse : le sucre dans le gâteau n’a aucune idée de ce que goûte le gâteau. Sa saveur contribue avec les autres ingrédients pour exprimer, tous ensemble, bien plus que le simple fait d’être « sucré ». C’est pourquoi la saveur du pèlerinage, ce qui manifeste le « pèlerinage », nous dépasse. Elle n’est perceptible qu’à travers l’écoute de tout ce qui se dit à son propos et qui, pourtant, continue de nous échapper malgré tout.

L’expérience pèlerine est ainsi faite de mouvements qui se croisent et se mêlent les uns aux autres. En tant qu’« ingrédient actif » de ces mouvements, je dois me questionner sur ma participation à cette expérience. Suis-je trop ou pas assez « sucré », trop ou pas assez « salé »? Trop intense? Trop dilué au point que ma saveur passe inaperçue dans le flot? Même le piment fort a sa place dans une recette, à condition que sa participation soit dosée! Toutes les saveurs ont leur place dans la grande recette de la vie.

Cet été, lors de mes pérégrinations, si je jouais des saveurs que je porte? Si j’étais créatif dans ma manière de me mêler aux autres et à l’environnement? Si je ne faisais pas ce que l’on attend de moi? Si je tournais à gauche plutôt qu’à droite? Si j’adressais la parole à un inconnu? Si j’offrais de mon temps alors que je suis pressé? Si je ne suivais pas les étapes indiquées dans le guide ? Que se produirait-il si j’osais m’aventurer hors du commun, hors de mes habitudes? Quelle saveur nouvelle serait générée par l’audace de ces nouvelles rencontres?

L’esprit pèlerin met en jeu. Il est l’audace d’un nouveau mélange de saveurs. On ne peut espérer du neuf en répétant inlassablement la même routine, la même recette! Mettez en jeu l’ingrédient actif que vous êtes. Osez votre saveur singulière : elle est nécessaire!

Cependant, ne cherchez pas à être sucré lorsque vous êtes salé, fruité lorsque vous êtes vinaigré. Cherchez plutôt la vérité du goût que vous portez et vous goûterez la satisfaction d’accomplir pleinement ce que vous êtes.

Tout comme une pincée de muscade rehausse la recette sans en être la recette à elle seule, cet été, par votre saveur, contribuez au bon goût du monde !

Éric Laliberté

* Le blogue de Bottes et Vélo prend un pause pour l’été. Nous serons de retour en septembre. Bon été à tous!