Étincelle pèlerine
S’éteint de lui-même ce qui n’a en lui aucune étincelle.
Stanislaw Jerzy Lec
La neige fond de plus en plus rapidement. Les premiers bourgeons gonflent timidement sur les branches. L’air se réchauffe. Le soleil flâne sur sa route. Et pendant que la sève monte dans les arbres, je sens le printemps frétiller en moi! Un seul regard par la fenêtre et le désir de partir marcher longtemps s’empare de moi. C’est viscéral! C’est là que commencent tous mes voyages pèlerins : dans cette étincelle. Sans cette étincelle, pas de pèlerinage de longue randonnée. Elle est mon démarreur. Bien que toute petite, elle est électrisante. Elle convertit l’énergie de mon désir en énergie mécanique. En un tour de manivelle, elle m’allume, je m’active et c’est parti pour une balade de plusieurs kilomètres!
Je suis comme ces oies blanches qui naviguent à travers le ciel. Je suis une migrante dans l’âme. J’aime pèleriner. Passer ma journée dehors, quelle que soit la météo. Découvrir de nouveaux paysages, à vitesse humaine, pour bien m’en imprégner. Rencontrer l’étranger, le temps d’un éphémère moment, pour m’enrichir de sa différence. Me coucher enveloppée d’une bonne fatigue, le corps vidé mais le cœur bien rempli. Et au petit matin, au réveil, je sens le crépitement de mon étincelle. Bien qu’un peu engourdie par les efforts de la veille, grâce à elle, j’enfile mon sac à dos et mes bottines pour continuer ma route.
Jour après jour, le corps fatigue, l’enthousiasme s’étiole. Le désir de pèleriner, rondement repu, est assoupi. Sans étincelle, c’est la fin du voyage. Ces jours-là, j’ai de la difficulté à démarrer. Comme un moteur ankylosé par le froid, mon corps s’active lentement. Mon étincelle, plus puissante que tout, me remet en marche. Et, immanquablement, pas après pas, les joies cueillies le long du chemin rechargent ma batterie.
Si cette étincelle agit sur moi de la sorte, c’est qu’elle fait partie de l’essence même de mon être, comme la sève qui part des racines et alimente le cœur de l’arbre.
Être un pèlerin-randonneur ne demande pas prioritairement une bonne forme physique. Le défi de cet exercice réside avant tout dans son inlassable répétition. Il y est davantage question d’engagement que de performance. Et qui dit engagement, dit amour. Êtes-vous prêt à vivre cette aventure pour le meilleur et pour le pire?
Brigitte Harouni
Très beau ton texte Brigitte.
Merci Christiane!
Tu décris tellement bien ce que je ressens quand je marche!!
Quelle belle lecture ! Merci !