Le Québec pèlerin
Le Québec se marche, se navigue, se roule. Il est l’espace de rencontres qui se goûtent et se déclinent en saveurs régionales. Il est fait de mille clochers et d’expressions colorées. Des jarrets noirs de la Beauce, aux bleuets du Lac-St-Jean, des Cantons-de-l’Est à la Manicouagan, entre Rapide-Danseur et Sayabec, des Wendats aux Micmacs, le Québec est pèlerin en ce qu’il est manière de relier des individus et de vastes étendues.
Dès ses origines amérindiennes, le Québec s’est construit sur le mouvement pèlerin : un mouvement fluide comme l’eau! C’est d’ailleurs en sinuant ses nombreuses rivières que les Premières Nations l’ont exploré et habité. Ils s’y sont construits en relation sur tous les plans. Terre nourricière, terre d’échanges, terre de reconnaissance, ils ont semé dans le cœur de la modernité leur amour du territoire, au-delà des conflits qui l’ont stigmatisé. Encore aujourd’hui, cette portion de terre désignée sous le vocable « Québec » demeure époustouflante. Tout n’est qu’affaire de relation au cœur des humains!
L’esprit pèlerin est ainsi fait de traversés qui transforment. Il est traversé, tout autant qu’il traverse. Jamais fixé, il est de ces passages qui teintent et colorent l’histoire; desquels on apprend parfois difficilement. Il pointe cependant toujours dans la même direction : il cherche le meilleur de l’humanité, malgré les apparences… Espace de rencontres, il confronte à la diversité en nous sortant de nos statu quo : je ne suis jamais seul. Je suis toujours confronté à un autre, différent de moi. L’esprit pèlerin impose ainsi une reconfiguration des rapports relationnels à tous les égards, qu’ils soient d’humain à humain, en lien avec la nature, ou en rapport avec l’univers. Des rapports qui construisent du lien, non en domination.
Notre histoire est malheureusement façonnée de rencontres qui se sont souvent soldées par de cuisants affrontements et des rapports écrasants. Malgré tout, le territoire qu’on appelle aujourd’hui Québec demeure pourtant un lieu qui favorise les rencontres, un lieu qui se laisse façonner par elles. Depuis les Premières Nations, aux colons français, anglais, irlandais, en passant par l’arrivée de migrants italiens, allemands, vietnamiens, haïtiens, camerounais, rwandais, syriens, le travail se poursuit et nous apprend à vivre ensemble.
Cela dit, ce n’est pas parce que le Québec est façonné qu’il est facilement malléable. Quand la maison « travaille », c’est qu’elle résiste : elle craque de partout! Ces craquements sont pourtant nécessaires. Ils ébranlent les certitudes, remettent en question, incitent au cheminement. Ils indiquent que la rencontre est agissante, qu’il y a rencontre d’individus singuliers, et que le déplacement s’opère. Si nous étions tous pareils, il ne se passerait rien. Nous serions face à un miroir, confortés dans notre vision du monde.
En agissant dans nos résistances, l’esprit pèlerin donne la souplesse qui évite de s’effondrer ou de s’affronter. Il secoue juste assez pour permettre de grandir et d’aller plus loin. Il prend soin de part et d’autre.
Les Premières Nations appelaient le fleuve St-Laurent : Magtogoek, le chemin qui marche. Une manière de dire que le chemin n’est pas statique, qu’il est lui-même cheminement. La force du fleuve est ainsi celle de relier le Québec, de le mettre en marche en allant vers l’autre. Artère vitale et principale de ce territoire que nous habitons, le St-Laurent ouvre le Québec sur le monde, mais aussi sur son monde intérieur. Laissons-nous inspirer dans cet art de relier – cet art d’aller à la rencontre : de soi, de l’autre – en nous laissant transformer pour le plus grand bien.
Éric Laliberté
Merci Éric de parler du Québec pèlerin avec tant d’ouverture vers toutes celles et ceux qui le composent et l’enrichissent.
Une mosaīculture
remplie de vies.