Les chemins de désir

Que vos choix soient le reflet de vos espoirs et non de vos peurs.

Nelson Mandela

Savez-vous ce qu’est un chemin de désir? Loin d’être simplement une belle métaphore ou une figure de style, un chemin de désir est avant tout un réel chemin, un lieu de passage bien spécifique. Dans le langage technique des professionnels de l’aménagement du territoire, tels que les urbanistes, les géographes ou les architectes, un chemin de désir, aussi appelé ligne de désir, est un sentier informel tracé par les nombreux va-et-vient des passants. Un tel sentier leur indique que les chemins officiels disponibles ne suivent pas une trajectoire naturelle de déplacement ou qu’ils ne répondent tout simplement pas aux besoins des individus qui les empruntent.  

On retrouve des chemins de désir dans toutes sortes de lieux. Ces sentiers improvisés traversant les pelouses, les parcs, les champs, les boisés, témoignent avant tout de la présence de vie humaine dans les environs. Plus le sentier est large, plus la ligne est prononcée, et plus cela signifie que le chemin est fréquenté.

Bien souvent, les chemin de désir servent de raccourci aux marcheurs pressés qui optent pour la distance la plus courte et la plus directe entre deux points. Ils rendent les déplacements plus rapide ou encore, plus pratique et plus adapté à l’itinéraire convenu. Mais on retrouve aussi une grande variété de chemins de désir ayant d’autres raisons d’exister, comme ce passage dans la haie entre deux voisins, ou ce sentier qui passe à travers les buissons pour accéder à un point de vue non prévu par les responsables du parc, ou encore ce sentier qui permet de descendre au bord de la rivière dans un coin tranquille loin des espaces désignés. Non content du chemin pavé prévu par les autorités des lieux, le marcheur, délinquant dans l’âme, n’écoutant que son désir, sort des sentiers établis pour tracer le sien.

Andrew Furman, professeur de design d’intérieur et d’architecture à l’Université Ryerson de Toronto, étudie les chemins de désir depuis des années. Selon lui, ces lignes soulignent chez l’humain cet « intarissable désir d’avoir le choix », et l’importance de « ne pas se faire prescrire son chemin par un autre ». Les chemins de désir nous permettent de ne pas suivre le scénario édicté, de ne pas se limiter aux choix apparents suggérés. Par leur présence, ces sentiers symbolisent une forme de résistance à l’autorité, aux convenances et aux règles établies.

L’être humain s’est construit un réseau infini de routes et de passages pour organiser, contrôler et diriger les déplacements. Les chemins de désir, par leur présence, démontrent qu’il est possible de sortir de ces cadres pour créer sa propre route. Au-delà des chemins pré-tracés, il y a une multitude de possibilités. Mais qui dit chemin de désir, dit surtout désir. Pour oser s’aventurer hors des sentiers battus, pour ouvrir son propre chemin de désir, il est essentiel d’entendre ce désir qui nous habite. Car c’est par lui que le chemin se tracera. Telle une boussole interne, il aiguillera nos pas pour aller dans la direction de notre choix, en passant par le tracé qui nous convient.

La vie est un long chemin. Elle est jalonnée de chemin convenus, d’autoroutes à suivre sans tracas. Mais on y retrouve aussi des chemins de désir, de ces petits sentiers que certains suivent pour vivre en cohérence avec ce qui vibre en eux. En bout de ligne, chacun est libre d’emprunter le chemin qu’il désire pour arriver à la destination souhaitée. Si le chemin répond à votre désir alors il y a fort à penser que c’était le bon chemin; le bon pour vous!

Brigitte Harouni