Amitiés du chemin ou chemins d’amitié?

« Les amis sont des compagnons de voyage, qui nous aident à avancer

sur le chemin d’une vie plus heureuse. »

Pythagore

Quel que soit le chemin pèlerin que j’aie parcouru, j’en reviens toujours remplie d’une multitude de souvenirs. Et, de tous les souvenirs accumulés sur ces kilomètres de marche, les plus mémorables, ceux qui auront un goût durable, parlent de relations spontanées et sincères avec des personnes qui m’étaient jusqu’alors inconnues. Il se développe, sur les chemins de pérégrinations, des amitiés qui transcenderont le temps et le lieu. Mais de quoi sont faites ces surprenantes connexions humaines? Qu’est-ce qui les caractérise et les distingue des autres amitiés déjà présentes dans ma vie? Et, quel apprentissage le chemin m’invite-t-il à faire qui permettrait de poser un regard différent sur les relations d’amis qui habitent mon quotidien?

Ma condition de pèlerine modifie grandement ma manière d’être en relation. Loin de mes repères habituels, souvent seule durant ma journée de marche, rassasiée de temps de solitude et de calme, c’est avec plaisir que je vais vers l’étranger pour échanger. Ce premier lien, je le fais en toute liberté. Je choisis d’entrer en relation, et souvent, je choisis également la personne vers laquelle je me porte. Ce choix est largement fondé sur un ressenti, un amalgame d’impressions et de souvenirs. Rien de bien rationnel n’oriente ma décision. Tout ce que je suis jauge ce que la personne dégage, et vient biaiser mon choix. De même, durant l’échange et après la rencontre, tel un œnologue qui déguste et détaille le goût d’un vin nouveau, je mesure mon désir de maintenir mon lien avec cette personne. Qu’ai-je aimé? Qu’est-ce qui m’a embêté? Comment je me suis sentie? Si la rencontre a été goûteuse, un élan naturel me portera à renouer avec elle lorsque nos chemins se croiseront à nouveau. Sinon, n’ayant aucune attache, c’est sans difficulté que je poursuivrai ma route.

Sur le chemin, je suis libre de choisir mes relations, de les définir pour qu’elles correspondent au juste sentiment qu’elles éveillent en moi. Je me relie aux autres de manière ajustée et vraie. De ce fait, lorsque le lien qui se développe avec une personne est fort, c’est qu’il y a une sincérité dans la réciprocité. Confiance, écoute, empathie, plaisir, rires et complicité sont au rendez-vous et me permettent d’être pleinement moi-même. De plus, je sens que ma compagnie est appréciée sans aucun apparat de ma part. Simplicité, légèreté, spontanéité permise, confort intérieur, voilà ce que cette relation me fait vivre. Cette amitié nait dans un espace de liberté et de respect. Aucune règle ne la régit si ce n’est que le plaisir de se retrouver et d’être ensemble.

Dans mon quotidien, les amitiés peuvent être bien différentes. La relation n’est plus toujours un choix. Elle vient parfois avec plusieurs obligations. Certaines amitiés ont parfois perdu de leur goût et le plaisir n’est plus toujours de la partie. Il y a relation, mais peut-être plus amitié. La vérité et l’authenticité des sentiments ne sont plus toujours écoutés pour guider mes décisions. Comme le dit Jacques Salomé, dans une relation nous sommes trois. Il y a moi, l’autre et il y a aussi la relation. Celle-ci change, se transforme et évolue au même titre que les personnes qui la constituent. Et, bien que je ne puisse contrôler le bout de la relation qui appartient à l’autre, je peux revisiter le bout qui me revient. Afin de gagner en liberté, d’être bien avec celle que je suis et d’être vraie à l’autre, j’ai avantage à prendre le temps d’écouter ce ressenti qui m’anime et m’éclaire afin de choisir et de définir de manière ajustée mes relations.

Les amitiés du chemin relient des personnes pour un bien partagé. Elles ne deviennent pas que de bonnes amitiés, elles sont aussi des amitiés bonnes. Ces relations de passage autorisent chacun à être dans le respect de chaque individualité. Ensemble, mais distincts. Chemin d’amitié, chemin de vérité, chemin de liberté!

Brigitte Harouni