Lire en marchant
Lire, c’est voyager ; voyager, c’est lire.
Victor Hugo
Je suis pèlerine. Je suis cet être qui voyage en traversant différents univers, consciente de faire partie de ce grand tout. Plage ou forêt, campagne ou grande ville, marais ou montagne, chaque décor m’enveloppe et m’habite. Je m’attarde à lire et m’imprégner de tout ce qui m’entoure. Petite parcelle humaine dans l’immensité du paysage, j’avance à pas de fourmi, cherchant à entendre ce que la nature environnante me raconte. Dans ce dialogue inusité, dans cette lecture intime, j’apprends à me connaitre et à me reconnaitre à travers ces mots silencieux.
Comme la rivière qui sillonne le paysage pour rejoindre l’océan, j’ai su tracer ma route. Comme elle, j’ai fait des détours. Les obstacles qui se présentaient à moi, je les ai habilement contournés et dépassés pour aller vers mon but. Il m’est arrivé, à moi aussi, d’user d’entêtement, de persévérer pour venir à bout d’une entrave, d’une épreuve mise en travers de mon chemin. Avec le temps et la patience, j’ai su lentement percer ma voie pour continuer d’avancer vers ce qui m’attire.
Comme l’arbre qui conserve dans son bois le passage du temps, mon corps porte les empreintes de ma vie. Des cicatrices me rappellent mes blessures, mes chutes, mes accidents. Mes douleurs chroniques parlent des affronts du climat que j’ai dû contrer pour rester debout, des périodes de sécheresse et de ces hivers rigoureux auxquels j’ai survécu. Les rides qui ornent mon visage racontent les émotions qui m’ont habitées tout au long du chemin. Parfois rieuses, parfois sévères, parfois tristes, ces petites lignes dessinent mon histoire.
Comme le vol des oies blanches en ce temps de migration, je suis un être relationnel. Je les regarde passer au-dessus de moi et leur chant éveille en moi des souvenirs savoureux de travail en équipe, d’entraide entre voisins, de grandes retrouvailles en famille. Les oies évoquent l’esprit de solidarité, la force d’une communauté. Elles expriment le plaisir de se retrouver avec des personnes qui me ressemblent et qui partagent une même vision de la vie. Comme elles, je suis une voyageuse. Pèlerine, je recherche les joies de la vie communautaire.
Comme cette averse qui vient de me surprendre en cette journée pourtant ensoleillée, mon humeur est changeante et parfois imprévisible. Lorsque mes journées sont nuageuses, parfois je pleus un peu, pour libérer mon chagrin. Quand je suis stressée, je peux passer en coup de vent! Je déplace de l’air et fais tout revoler autour de moi. Et quand je suis heureuse, alors je suis rayonnante et chaleureuse. Mais attention! il m’arrive de tempêter, de gronder, de tonner! C’est ma météo intérieure, celle que même moi je ne peux pas toujours prédire avec précision.
Comme cette belle maison ancestrale devant laquelle je suis passée dans le village, je dois penser à prendre soin de moi. Ma vie est ma maison. Il y a toujours quelque chose à réparer ou rénover pour qu’il fasse bon y vivre. Changer la couleur de la peinture dans le salon. Redéfinir et clarifier ma relation avec ma fille qui vient de quitter le nid familial. Changer la douche. Cesser de voir cette amie qui me draine beaucoup d’énergie. Réparer la gouttière que l’hiver a endommagé. Parler de mon horaire de travail avec mon patron. Décaper la galerie. Planifier une petite escapade dans la nature pour me sortir de la routine.
Toutes ces lectures vont et viennent dans ma tête, agrémentant ma marche de réflexions parfois cocasses. Pèleriner, pour moi, c’est m’offrir une source intarissable de belles histoires à lire dont je suis à la fois l’auteure, l’interprète et l’héroïne. Et vous, où va votre esprit quand vous marchez? Que lisez-vous en marchant?
Brigitte Harouni
Merci Brigitte pour la belle lecture de ton chemin que tu nous offres en ce jour.