Écoute ton cœur
Il faut trois ans pour apprendre à parler, et toute une vie pour apprendre à écouter.
Confusius
Pour plusieurs, la pandémie fut un long chemin de pèlerinage parsemé d’épreuves de tous ordres. Sa durée a occasionné une nette brisure dans le train-train quotidien, un long temps d’arrêt en marge de la routine dans laquelle on s’était enraciné. C’est dans le calme de cette retraite forcée qu’une vision plus claire de la réalité dans laquelle on évoluait s’est révélée. Dans cet espace de recul, obligé à vivre autrement, une remise en perspective de sa propre vie s’est opérée, des lumières se sont allumées qu’on ne prenait pas le temps de voir avant. Comment puis-je penser reprendre ce rythme de vie? Ces obligations? Cet élément désagréable qui me pesait tant? Est-ce vraiment ainsi que je désire vivre ma vie? Pourquoi je ne me permets pas ceci plus souvent? Comment n’ai-je pas vu plus tôt que ça n’allait pas?
Comme en pèlerinage,on s’était habitué à avancer avec une certaine douleur, sans questionner, sans réfléchir. On avait appris à l’endurer, à « faire avec », à se convaincre que ce n’est pas si terrible que ça. Mais le changement de rythme a fait découvrir que la vie pouvait être autre. Alors, comme dans tout pèlerinage, il s’est fait du ménage, du délestage et des ajustements. Des changements ont été apportés afin que la vie corresponde davantage à ce que l’on désire vivre.
Pour le pèlerin qui s’est égaré, il est bien aisé de retrouver sa route. Il peut consulter sa carte ou demander son chemin à quelqu’un. Mais dans le quotidien de nos vies, comment savoir que l’on s’est éloigné de notre route? Que l’on s’est perdu de vue? Qu’est-ce qui nous aiguille et nous indique l’orientation à suivre? Qui donne un sens à notre vie? En réponse à ces questions, Susana Tamaro nous répond : « Écoute ton cœur, puis quand il te parle, lève-toi et va où il te porte. » Sachant qu’on ne parle pas ici du cœur anatomique, quel est ce cœur? comment l’écouter? Et comment se manifeste-t-il?
Ce « cœur » tout aussi intangible qu’il soit, est bien présent. Chaque jour, on observe des effets de sa présence et de sa force. Parfois il s’exprime à travers notre ressenti. Quand on est heureux, qu’on se sent le cœur léger, ou quand on est triste et qu’on se sent le cœur lourd. Quand on agit à contrecœur, à regret, sans envie. Quand on se laisse toucher et émouvoir par quelque chose qui nous va droit au cœur. Quand on vit de la rancœur et du ressentiment parce qu’on a quelque chose sur le cœur. Quand on a un pincement au cœur, que l’on ressent une vive douleur affective. Ou quand on vit une vive excitation et une joie intense parce qu’on a un coup de cœur pour quelque chose ou pour quelqu’un. Toutes ces sensations intérieures, ces sentiments sont des signes de sa présence, des messages à saisir pour vivre en cohérence et demeurer sur son chemin.
Il arrive aussi parfois que ce « cœur » transparaisse dans certaines actions que l’on pose. Quand on est d’une grande générosité envers les autres, qu’on a le cœur sur la main. Quand on travaille avec entrain et détermination, qu’on met le cœur à l’ouvrage. Quand on ose avec courage traverser des épreuves difficiles, qu’on a du cœur au ventre. Quand on s’intéresse vivement à quelque chose, qu’on a à cœur ce que l’on fait. Quand on agit de gaieté de cœur, volontairement et spontanément. Quand on parle à cœur ouvert, en toute franchise, avec sincérité. Quand on désire en avoir le cœur net, pour éviter toute ambiguïté. Toutes ces actions sont porteuses d’un message significatif qui donne un sens à la vie de celui qui y est attentif.
Ce cœur s’exprime en nous et à travers nous de plusieurs manières. Il nous accompagne et nous guide sur ce chemin de vie qui est le nôtre. Prenons-nous le temps de l’écouter? Pour bien l’entendre, il faut savoir prendre le temps de s’arrêter. Un indispensable temps de discernement pour demeurer fidèle à ce qui nous habite. « Quand plusieurs routes s’offriront à toi et que tu ne sauras pas laquelle choisir, n’en prends pas une au hasard, mais assieds-toi et attends, respire profondément avec confiance, sans te laisser distraire par rien, attends encore et encore, ne bouge pas, tais-toi et écoute » (Susana Tamaro).
Brigitte Harouni
Tellement pertinent et beau!
Merci Brigitte!