Un temps de dormance bénéfique
Celui qui sait s’arrêter ne périclite jamais. Il pourra subsister longtemps.
Lao-Tseu
Dans la réalité de nos vies modernes, obnubilés par l’importance de faire, d’agir, de produire, nous nous sommes dénaturés. Éloignés de nos racines humaines. Déconnectés de nos instincts. Nous pensons être en action alors que bien souvent, nous sommes en réaction : esclaves volontaires d’un bonheur artificiel, répondant inconsciemment à un conditionnement, se protégeant d’une possible douleur éventuelle.
La pandémie est venue bousculer l’empire de l’Homme. Elle ébranle sa quête infinie de contrôle. Contrôle sur l’environnement, sur le monde, sur le temps, sur la vie! Elle remet en question cette prétention à l’autonomie, cet ambitieux individualisme. Elle nous rappelle à tous notre réalité humaine : notre incontournable codépendance, nos fragilités, notre mortalité.
Les mesures de confinement et les restrictions imposées par notre gouvernement nous obligent tous à faire preuve d’une certaine sagesse et à prendre une pause. Une longue pause qui durera le temps nécessaire pour que la vie puisse reprendre sans danger. Ce temps d’arrêt s’apparente grandement au processus de dormance que l’on retrouve chez nombre de plantes et d’animaux. Quand des changements climatiques inattendus surviennent ou que les conditions environnementales extérieures sont défavorables pour un organisme, celui-ci modifie son comportement ou sa structure interne afin de ralentir ses fonctions de vie, de réduire son activité métabolique. Sa croissance, son développement, son agitation physique sont temporairement arrêtés. C’est une stratégie adaptative de minimisation des risques qui lui permet de se protéger, de protéger sa vie et celle de son espèce.
Ainsi, parfois, ne rien faire est la bonne solution à prendre. Choisir de ne rien faire, c’est d’ailleurs étrangement faire quelque chose : Rien. Un rien qui nous sera bénéfique. Dans notre situation actuelle, ce temps de dormance, de diminution de notre effervescence habituelle, nous offre l’opportunité de faire le point sur là où en est notre vie, sur ce que l’on désire pour la suite. Un temps de discernement qui nous invite à sortir de nos sempiternelles routines pour laisser naitre un autrement, un mieux.
Sur sa route, le pèlerin rencontre une multitude d’obstacles et de défis. Journée caniculaire, vent combatif, blessure, maladie, pluie diluvienne, route désertique, … Certains choisiront d’affronter la difficulté par orgueil, par dépit, par crainte, par rigorisme. Continuer la route coûte que coûte. Car il y aura un prix à payer! Tandis que d’autres préféreront se rajuster, reconsidérer, s’adapter en fonction de la réalité qu’ils vivent. Ils prendront une longue pause, écourteront leur journée de marche ou iront même jusqu’à décider de rester une nuitée supplémentaire au même hébergement, le temps que les conditions de marche soient propices à un déplacement agréable.
Comme ce pèlerin qui revoit sa carte pour apprécier le chemin parcouru et reconsidérer l’articulation des kilomètres restants, je profite de ce silence dans le tempo de ma vie pour prendre le temps de me resituer sur ma route de vie. Suis-je là où je désirais être? Me suis-je perdue? Vais-je dans la direction que je souhaite? Qu’est-ce qui m’encombre, m’alourdit l’existence? Qu’est-ce que je suis contente de pouvoir redécouvrir durant cet arrêt? Qu’est-ce qui me manque vraiment depuis que je suis isolée? Qu’est-ce que je suis contente de ne plus avoir à faire, à vivre, à subir?
Comme ce pèlerin apprenons à ralentir. Prenons le temps de savourer le plaisir d’être simplement ici-maintenant. Redécouvrons ce qui a bon goût dans notre quotidien. Récupérons notre privilège de choisir et de décider ce que sera notre quotidien. Apprenons à composer avec les aléas du chemin et à faire confiance à la vie.
Le temps de dormance, permet à la vie de reprendre quand les conditions redeviennent favorables, que l’environnement appelle la vie en soi. L’après-pandémie, nulle ne peut prédire de quoi il sera fait. Chacun peut cependant, dans le silence que ce temps d’arrêt offre, se mettre à l’écoute de ce qu’il désire vivre. Quelles sont les conditions favorables pour vous? Qu’est-ce qui éveille la vie en vous?
Brigitte Harouni
Merci beaucoup pour cette belle réflexion
Merci pour votre texte qui suscite l’introspection!