La symbolique des bâtons de marche
Pour trouver le bonheur, il faut risquer le malheur. Si vous voulez être heureux, il ne faut pas chercher à fuir le malheur à tout prix. Il faut plutôt chercher comment – et grâce à qui – l’on pourra le surmonter.
Boris Cyrulnik
Les bienfaits de l’utilisation des bâtons de marche sont nombreux : meilleure posture, meilleure oxygénation, optimisation de la répartition du poids, rentabilisation de tous les muscles, diminution des risques de blessure, et bien d’autres. Mais ce texte ne porte pas sur les bâtons de marche. Il se penche plutôt sur la symbolique entourant ceux-ci. Quelle facette de notre vie les bâtons de marche représentent-ils? Avançons-nous dans la vie avec des bâtons?
Marcher avec des bâtons, c’est avant tout marcher « avec ». Vous me direz que le pèlerin marche également avec son sac à dos. Mais celui-ci est davantage un poids, inerte, et parfois même encombrant. Il ne contribue pas au mouvement, alors que les bâtons accompagnent et encouragent le déplacement du pèlerin. Ils travaillent avec le lui, dans un même but. Ils sont des agents facilitateurs. Marcher avec des bâtons, c’est donc dans un premier temps savoir s’aider. Cela implique de reconnaitre non seulement les limites à notre autonomie, mais bien mieux encore, les avantages à une alliance complice.
S’aider, c’est faire preuve de discernement au niveau de nos besoins, d’être à l’écoute des motions intérieures de notre corps, afin de se doter des moyens facilitants pour atteindre l’objectif souhaité. Ce besoin de s’aider apparait lorsque la situation est inconfortable, difficile, souffrante. S’aider a donc pour objectif de se sortir de ce mal-être pour gagner en plaisir de vivre. Loin de déléguer ou de se départir de la tâche à accomplir, nous demeurons au centre de l’action. L’élément aidant n’éclipse en rien l’effort et la mobilisation personnelle. De ce fait, malgré ses bâtons, c’est le pèlerin qui marche et c’est bien lui qui porte le sac. Avec ou sans ses bâtons, il est celui qui avancera pas à pas jusqu’au sanctuaire. Cependant, le choix de marcher avec des bâtons lui assure une route plus agréable et lui permet d’affronter les défis du chemin sans trop se blesser.
Le chemin de la vie est parsemé de multiples épreuves, certaines plus lourdes à porter que d’autres. Vieillissement, solitude, grossesse, deuil, fatigue, séparation, ennui, pauvreté, conflits, … sont autant de situations qui viennent alourdir notre quotidien. Face à ces épreuves, trouver le juste équilibre entre autonomie totale et besoin d’aide devient essentiel tant pour notre santé mentale que physique. Les « bâtons » de notre vie sont nombreux, et ils varient en fonction du mal à traverser. Les effets qu’ils nous procurent sont d’ailleurs passablement identiques aux bienfaits des bâtons de marche. Ils nous allègent du poids de nos pensées tourbillonnantes, nous redonnent de l’énergie pour continuer d’avancer, contribuent au bon équilibre de notre santé mentale, nous permettent de reprendre notre souffle et de mieux respirer.
Si les bâtons de marche aident notre corps, nos « bâtons de vie » aident notre psychique à tendre vers un mieux-être. L’être humain n’est pas un solitaire. C’est un être de relation. C’est dans sa mise en relation avec tout ce qui l’entoure qu’il déploie ses couleurs et découvre sa force. En se reliant, il vient bonifier sa qualité de vie.
Les bâtons de marche font partie de l’essentiel de l’équipement pèlerin. Et vous, dans votre réalité quotidienne, avez-vous des « bâtons », des ressources humaines ou physiques, sur lesquelles vous appuyer lorsque le besoin se fait sentir? Qu’est-ce qui, ou qui, vous aide à passer à travers les descentes abruptes, les orages et les grands vents de votre vie? Sur quoi ou sur qui pouvez-vous prendre appui pour alléger le poids de votre sac de vie, et par le fait même rendre votre parcours plus agréable?
Brigitte Harouni
MERCI Brigitte pour la symbolique élargie des bâtons!
Quand j’ai fait le Chemin du Puy à Santiago en 2007, mes bâtons de marche me furent très utiles, surtout en France, mais l’élan qui m’a propulsée, jour après jour, me venait de mon frère Marc qui avait reçu une greffe du foie juste avant mon départ et qui m’ avait dit avant sa chirurgie, alors que je doutais de ma capacité à faire ce parcours de 1600 km. : »Ma soeur, t’es capable. de faire ça. »
Sa confiance a mis des ailes à mes bottines et de l’énergie dans mes bâtons. Il y a eu de cela 13 ans en avril 2020. Il a survécu à sa greffe. Le donneur lui a fait un cadeau inestimable.Et depuis ce temps, la marche est devenue pour moi: démarche et rendez-vous avec les chemins de ma vie.