Pour le plus grand bien commun
« Il ne s’agit pas de savoir ce qui te convient, ou ce qui me convient, mais d’entendre si cela fait du bien ou non à notre relation. »
Jacques Salomé
Depuis plusieurs années, graduellement, plusieurs départements et services ont modifié leur approche pour tendre vers une vision plus administrative de leurs rapports interpersonnels. L’approche client a envahi nos institutions, même les plus humaines. Employeur-employé, utilisateur-payeur, acheteur-service, sont désormais des concepts clés régissant bon nombre de rapports humains. Les départements de ressources humaines actuels sont souvent essentiellement un recueil de règles et de conventions négociées laissant peu de place à l’intervention sensible. Subtilement, l’organisation du travail a donné le ton au mode de relation que nous entretenons entre nous au quotidien.
Avec le confinement, qu’il soit à petite échelle dans les foyers ou à plus grande dans la province, on a vu des conflits apparaitre. Les comportements de « consommateur » et de « client » sont décriés. Certains se servent et utilisent sans égards aux besoins des autres. Certains exigent de façon cavalière, sans considération face à la réalité des autres. Quel que soit le contexte, tout individu est immanquablement en relation. Il y a toujours un moi et un autre. Et que cet autre soit une personne, un animal, un objet, un élément de la nature, dès qu’il y a un élément extérieur à soi, il y a forcément relation, rapport à l’autre. Actuellement la cohabitation, la durée et la proximité mettent en relief l’égocentrisme insoupçonné qui définit nos comportements relationnels.
Dans le contexte d’une société valorisant toujours davantage l’autonomie et l’individualisme, la conscience de l’autre semble s’effriter. Pourtant l’autre demeure une réalité incontournable. Avoir conscience de l’autre et de la relation qui nous unit requiert une sensibilité décentrée de ses besoins. Cela impose de reconnaitre des limites à son propre champ d’action. Il n’est pas question ici d’empathie, mais simplement dans un premier temps, d’être conscient de l’autre, de la place qu’il occupe, de sa réalité et de la dynamique qui nous relie.
En pèlerinage, après quelques jours de pérégrinations et de vie communautaire, les notions de respect et d’équité commencent à se faire entendre. Penser à prendre une douche rapide, prendre une juste part du repas, ne pas faire de bruit dans le dortoir, ramasser ses déchets, … Un savoir-vivre ensemble s’impose que chacun aura à apprendre en aiguisant ses antennes, en affinant ses perceptions et en tournant son regard vers cet autre qui partage l’espace. Car prendre en considération l’autre, c’est lui laisser la place qui lui revient; son espace vital. Au fil des jours, le pèlerin grandit en maturité sociale. Des comportements le bousculent dans ses façons de faire. Il se questionne, observe, cherche à s’adapter pour contribuer à l’équilibre collectif. Il développe, parfois malgré lui, une sensibilité à la réalité qui l’entoure, s’ajustant aux lieux qu’il traverse et aux gens qui habitent sa route.
Le savoir-vivre ensemble s’enseigne difficilement. Il s’acquiert à travers l’expérience et la pratique. Chacun apprend à trouver une juste place confortable respectant les limites et besoins de l’autre. Un processus d’ajustement bien complexe. Prendre conscience d’être relié à l’autre est le premier pas vers un mieux vivre ensemble. Dans un lien, il y a deux extrémités. Chacun a à faire sa part pour entretenir une saine relation. L’autre n’est alors ni à mon service, ni dans le camp adverse. Nous jouons tous dans la même équipe. Alors apprenons à nous faire des passes!
Brigitte Harouni