La spiritualité pèlerine
Avec l’essor du modèle Compostelle, comment penser la spiritualité pèlerine? Que désigne-t-elle au juste? Comment la définir sans la cloisonner, la restreindre ou, pire encore, l’éteindre ? Parler de spiritualité n’est déjà pas évident de nos jours, comment en parler au-delà des tabous qui l’accablent et, surtout, sans passer pour un hurluberlu? Comment s’avancer sur ce terrain, tout en évitant de se faire lancer des tomates? Eh bien, c’est ce que je vais tenter. Alors, à vos parapluies! Car vous risquez d’être éclaboussés si vous vous y reconnaissez!
Spiritualité dérive du latin spiritus et signifie, étymologiquement, le souffle ou l’esprit. La spiritualité désigne ainsi « ce qui est relatif à l’esprit » ou « ce qui s’effectue dans un certain esprit ». Dans cet ordre idée, on parlera de spiritualité bouddhiste, franciscaine, autochtone, ignatienne, yogiste, soufie, hindouiste, AA, etc. Chacune d’entre elles désignant ce qui est relatif à chacun de ces courants. La spiritualité désigne l’esprit dans lequel est engendré une manière de vivre. Ainsi, la spiritualité bouddhiste se reconnait à travers des gestes, des paroles, un mode de vie identifiable et descriptible. Il en va de même pour tout type de spiritualité.
Étonnamment, même si la spiritualité désigne ce qui relève de l’esprit, celle-ci ne peut s’observer qu’à travers des manières de faire bien concrètes. Chez certains, elle sera caractérisée par une proximité avec la nature, chez d’autres par des manières de méditer, ou encore par des exercices particuliers. Toute forme de spiritualité se perçoit à travers une pratique ou, plus précisément, à travers des pratiques. La spiritualité se fait, se vit, se dit, s’entend. Elle est action.
Loin de se laisser cataloguer facilement, elle vient nuancer ce qu’elle tente d’énoncer et qui risquerait de l’enfermer. N’oublions pas : elle désigne « ce qui s’effectue dans un certain esprit »! Elle tente donc de s’en approcher, tout en ne l’atteignant jamais. C’est pourquoi ses frontières demeurent floues et se mêlent parfois à plusieurs courants spirituels. La spiritualité est ainsi faite : elle est dotée d’une aura qui empêche toutes catégorisations radicales de l’observateur qui voudrait trancher net et relève, par conséquent, d’une certaine individualité.
Partant de là, la spiritualité pèlerine, plus précisément celle qui découle du modèle Compostelle, se reconnait à quoi? Quelles pratiques permettent de dire qu’il s’agit d’une spiritualité pèlerine? Plusieurs éléments peuvent l’illustrer, tout en lui laissant de la latitude.
La spiritualité pèlerine est tout d’abord marquée par sa « frugalité ». Elle vit avec peu et se contente de peu. Que le poids du sac à dos soit de 4 ou 20 kg, ce que le pèlerin porte sur son dos est toujours bien moins que ce que la moyenne des citoyens occidentaux possède. La spiritualité pèlerine impose de se restreindre par l’exercice qu’elle met en œuvre. Le rapport à la propriété en est ainsi modifié : nul besoin de posséder puisque le chemin se fait généreux! La frugalité de l’exercice génère cette confiance dans le chemin et, pour bien y entrer, le pèlerin doit parvenir à s’abandonner à l’expérience du chemin.
Par son aspect « sport d’endurance », la spiritualité pèlerine engage tout le corps dans une démarche physique qui relève de l’ascèse. C’est la répétition du geste sportif, porté dans la longue durée, qui rend l’exercice « spirituel » et opère un certain mouvement introspectif; mouvement qui diffère selon chaque individu.
Le souci de l’empreinte écologique fait désormais partie de la spiritualité pèlerine. La vie au grand air conduit inévitablement à recréer ce lien trop souvent occulté dans nos grandes cités. L’être humain s’y découvre des affinités qui l’amènent à reconsidérer son rapport à l’environnement et à la nature en général. L’espace de la nature ayant de tout temps suscité des moments de rencontre avec ce qui nous transcende.
Enfin (même s’il y aurait encore beaucoup à dire), plongée dans le monde, la spiritualité pèlerine s’articule à travers un perpétuel mouvement relationnel qui oscille entre solitude et communauté, entre explorateur et touriste, ceci sans égard pour les croyances, les diplômes, la race, le sexe, ou les rangs sociaux. Espace de rencontre, de cheminement et d’entraide, la spiritualité pèlerine est fondamentalement relationnelle.
Et vous, à quoi reconnaissez-vous la spiritualité pèlerine?
Éric Laliberté
J’aime la spiritualité pèlerine: ses composantes. Demain, je marcherai avec deux soeurs même famille pendant 3 jours. Je me considère chanceuse de vivre cela.
Je crois que votre réflexion me permettra de faire un pas de plus dans l ‘ouverture. Merci!
Merci à vous!
Je la reconnais dans la rencontre de l’autre et dans la solitude qui permet l’intégration de l’expérience vécue seule et avec l’autre
Très beau texte inspirant intégratif et chargé de quête de sens