Un chemin vers le cœur
Soyez fidèle à votre vérité intérieure.
Suivez le chemin même quand les autre l’abandonnent.
Marchez sur le sentier de votre cœur.
Anonyme
Pèlerine novice, n’ayant jamais encore fait de pèlerinage, j’arrive sur le chemin avec l’enthousiasme et l’énergie de la randonneuse aguerrie. Tout a été minutieusement planifié et organisé. Mon équipement, professionnellement recommandé, est des plus adaptés. Chaque accessoire de mon sac a été considéré, reconsidéré et pesé. J’entame le chemin la tête haute. Tout va bien aller. Tout est réfléchi sagement et rationnellement. M’étant entrainée avant le grand départ, je marche avec confiance et détermination, prête à découvrir l’inconnu. Ce défi, je vais le relever dans la joie!
Les premiers jours sont magnifiques. Mes bottines mangent les kilomètres prévus par le découpage que j’ai fait de mon parcours avant mon départ. Je file, respectant l’horaire que je me suis fixé. Maintenant la cadence dictée par mes calculs. Recalculant et m’ajustant pour rester dans le plan. Pourtant, après seulement trois jours sur le chemin, mon corps donne des signes de faiblesse. Mes pieds fatiguent. Mon genou gauche élance. Pas question de faiblir! Je viens de partir! Ça va passer. Mon corps va s’habituer. Je compense. Je me force. Je me parle. Orgueilleuse!
Après une semaine, je n’entends que mon corps. Je ne sais plus où donner de la tête. Chaque cellule de mon corps semble se rebeller. J’ai fait des ampoules que je dois maintenant soigner. Je prends des anti-douleurs et fais des étirements pour calmer mes genoux. Je suis courbaturée, fatiguée, découragée. Je m’inquiète de voir que je ne suis plus en mesure de respecter mon plan initial. Comment continuer? Vais-je devoir abandonner? Impossible de penser rationnellement. Je dois d’abord prendre soin de moi, de ce corps qui me contient, me limite et me retient. Je ne peux pas poursuivre ma route dans cet état! Colère, frustration, déception: je ne suis qu’émotion!
Puis au matin du neuvième jour, quelque chose a changé: je décide qu’à partir d’ici, je vais me rendre la route agréable. Et tant pis pour la suite. Je déciderai plus tard. Je vais faire mon chemin, à ma mesure. Attentive aux signaux de mon corps. Fini de vouloir faire comme les autres! de me préoccuper de ce qu’on dira de moi! de me croire imperméable aux difficultés, toujours capable de faire plus, de faire toujours mieux! Pourquoi me comporter ainsi? Qu’ai-je à prouver? et à qui? À qui est-ce que je mens en agissant ainsi? C’est mon chemin. Ce corps qui a ses limites, est aussi celui qui me permet de vivre. Ce sont mes limites, mes faiblesses, ma réalité. Je suis faite ainsi. Alors maintenant, je vais l’écouter, m’écouter davantage. Je pourrais faire porter mon sac quelques jours, marcher moins longtemps le temps d’aller un peu mieux, me permettre de faire des pauses plus fréquemment, abandonner le groupe d’amis avec lequel je marche depuis quelques jours, accepter de me faire dépasser sans me juger, rester deux nuits dans la prochaine ville, me permettre de prendre l’autobus si le temps me manque…. Oui! c’est décidé, je vais prendre un peu plus soin de moi pour que chaque journée soit telle que je désire la vivre.
Après trois semaines sur le chemin, je suis en extase! J’ai trouvé un rythme qui me convient. Une vitesse de croisière et une cadence de pauses qui me ressemblent. Mes genoux sont encore fragiles, ils le seront toujours. Mes pieds demeurent fatigués, et je dois en prendre soin tous les jours. Mais j’ai appris à avancer sainement en tenant compte des limitations de mon corps. Je prends plus le temps de vivre le chemin et non plus simplement le parcourir et l’aborder comme un défi physique à relever. Je vis moins de pression. Une pression que je me mettais moi-même pour être dans la course. Comme si vivre était une compétition! Je me sens plus légère, plus détendue, ce qui me rend plus disponible à tout ce qui m’entoure. Je savoure les paysages et la richesse des rencontres faites en chemin. S’entraider, partager, rire, aimer et marcher!
Un pincement au coeur, je vois la fin approcher. Mon retour dans ce quotidien, certes, mais aussi le sentiment de revenir à celle que j’étais il y a un mois. Vais-je pouvoir rester celle que je suis aujourd’hui? Comment résister à la transformation du retour dans les vieilles pantoufles? Qu’ai-je appris de moi que je désire conserver, semer, voir fleurir dans mon quotidien? Et si à mon retour je faisais ce que j’ai fait en chemin? … et si je décidais de rendre ma route agréable!
Brigitte Harouni
Super article, qui tombe pile pour moi! Non point que je reviens d’une marche pèlerine, mais je suis de retour au travail après une retraite prise il y a 1 an. Même affaire. Comment revenir et demeurer fidèle à celle que je suis devenue, celle qui doit s’ecouter plus, se respecter plus, demeurer dans le moment présent etc…quand personne autour applique ces principes…je me sens , comme d’habitude, à contre courant. Hahah mais je persiste à vouloir continuer le chemin à MA façon. Essai / erreur, tomber, se faire mal, se reposer, se soigner et se relever… tout ça, en admirant le paysage et en remerciant la vie pour MON chemin de compostelle à moi. Merci de m’inspirer autant. Très hâte de vraiment partir pour une belle et longue randonnée pèlerine 🙂
J’adore ton texte Brigitte…. Maintenant je comprends tout les changements que tu peux vivre en marchant et le bonheur que ca apporte.. Mais comment continuer quand tu reviens? Surement a force de pratiquer qu’on peut le mettre en pratique. Petit peu par petit peu .. Je t’admire xx