Où allais-tu en marchant si longtemps?
Sans destination, il n’est pas de destinée.
Abbé de Rancé
Où allais-tu en marchant si longtemps? Étais-tu en quête d’espace, alors que ta vie devenait trop étroite? Étais-tu en quête de lenteur, alors que ta vie allait trop vite? Étais-tu en quête d’exotisme, alors que ta vie manquait de saveur? Étais-tu à la recherche d’une destination, alors que ta vie n’en avait plus? Où allais-tu? Quelle était cette force qui appelait chacun de tes pas?
Le pèlerinage n’est pas sans raison, surtout pas sans réflexion. Sinon, il n’est plus que simple randonnée, un sport à pratiquer. Le pèlerin de l’époque médiévale savait où il allait et pourquoi. Il marchait vers un sanctuaire dans l’espoir d’expier ses péchés, dans l’espoir d’une vie meilleure. Le sanctuaire était sa destination. Atteindre le sanctuaire, c’était pour une vie meilleure. Toute sa route pointait vers cet espace de sainteté. Le sanctuaire porte en lui le désir du pèlerin.
Aujourd’hui, la notion de péché n’est plus tellement présente dans nos vies, pas plus que celle de sainteté. Toutefois, l’idée d’une vie meilleure nous parle. Cette vie meilleure nous la cherchons tous. Il y a toujours une insatisfaction pour nous rappeler que nous aimerions que ce soit autrement. Nous aimerions avoir une plus grande maison, de plus beaux vêtements, une nouvelle voiture, partir en voyage, voir cette personne plus souvent, avoir de plus longues vacances, être aimé davantage, se sentir apprécié, perdre du poids, avoir un corps musclé, se faire refaire le nez, changer de couleur de cheveux… Toutes ces insatisfactions nous disent et redisent, de manière détournée, notre désir d’une vie meilleure. Mais, était-ce réellement mon nez qui me dérangeait ou plutôt l’idée que je me faisais d’un beau nez…?
À travers nos insatisfactions, notre désir cherche à se dire et nous pousse à agir. Toutefois, nous agissons souvent de manière impulsive face à celui-ci. Dans le brouhaha et l’urgence quotidienne de nos vies, chaque malaise, insatisfaction, souffrance est comblé rapidement. Si je grignote ces chips, est-ce réellement parce que j’avais envie de chips, ou pour éprouver une sensation de bien-être alors que je viens de vivre une frustration? Trop souvent, nous ne prenons pas le temps d’être attentif à ces signaux intérieurs, d’écouter ce qu’ils cherchent à nous dire réellement. Ce n’est que lorsqu’ils se font de plus en plus pressants, qu’ils ne peuvent plus être leurrés par un sac de chips (ou tout autres subterfuges), qu’une véritable action devient nécessaire. Il faut alors se mettre en marche! Il faut bouger! Et pour bouger il faudra abandonner certaines choses derrière soi. On ne peut pas tout emporter! Et si ma souffrance, mon malaise, venait de ma peur de perdre? De mon attachement? Pour le pèlerin, l’espoir est plus grand que sa souffrance. C’est ce qui le mettra debout et en marche.
Partir en pèlerinage. Quitter son chez soi et toutes ses habitudes. Marcher en marge du monde. Loin du bruit et de l’agitation, entendre. Se mettre à l’écoute de cette destination qui murmure en nous, de cette vie meilleure qui nous appelle. Quitter un chez soi illusoire pour se diriger vers sa véritable demeure. Avoir le courage de vivre en cohérence avec cet appel.
« Où allais-tu en marchant si longtemps? – Je rentrais chez moi. »
Éric Laliberté
Merci pour la réflexion que cette question suscite avant ma prochaine marche d’octobre sur le chemin de Saint-Rémi. Continuez d’alimenter ce désir d’aller à sa propre rencontre pour une plus grande ouverture à la vie en plénitude.
Bonne route! 🙂