Quitter sa tête pour marcher avec son cœur
Vous avez l’heure, nous avons le temps.
Sagesse africaine
Cet été, nous sommes tous partis en vacances en quête d’un mieux-être. Qu’avons-nous trouvé et où l’avons-nous trouvé?
Pèlerins et vacanciers portent en eux le même désir : briser la routine en quittant leur demeure pour arrêter le temps et retrouver cet espace où il fait bon respirer, un espace de liberté. Que ce soit à la campagne, à la montagne ou au bord de la mer, les vacances nous appellent, tout comme le pèlerinage, à sortir de chez nous, de notre train-train quotidien, pour entrer dans une vie autre. Une vie qui fait du bien, qui apaise et qui fait plaisir.
D’abord le cœur, ensuite la raison.
Partir en vacances, c’est bien souvent quitter les règles usuelles : se permettre de dormir tard, de manger à l’heure que l’on veut, de lire ce roman qui nous attend depuis si longtemps, de visiter ces lieux qui nous font rêver, de farniente, de faire des folies… Un temps d’arrêt, sans urgence, pour retrouver ce mouvement de vie qui passe d’abord par le cœur et qui n’est plus gouverné par la raison.
La raison au service du cœur.
Sans sombrer dans l’insouciance, il faut tout de même reconnaître que le plaisir des vacances est d’abord de se mettre à l’écoute de ce que l’on remet toujours à plus tard, de ce désir qui nous habite et nous parle d’un vivre autrement. Lorsqu’on entre dans cet espace, on y ressent comme un éveil à la vie. Comme si nous levions le voile sur une manière de vivre qui nous demeurait cachée tout le reste de l’année… Quelque chose nous y est révélé qui nous parle de notre goût pour la vie. Il y a comme une rupture dans le temps…
Cet arrêt dans le temps permettra de quitter l’illusoire d’une vie centrée sur la prestation, l’accomplissement et la performance, pour renouer avec le strict nécessaire d’une vie qui a du goût, d’une vie savoureuse. Il n’est pas question de négliger ses obligations, mais de remettre les pendules à l’heure. De renommer et de resituer ses priorités de vie. De mettre la raison au service du cœur!
De vacancier à pèlerin.
Pour passer de la raison au cœur, il faudra cependant franchir l’état de vacancier. Bien que le pèlerin entre dans son projet avec le même état d’esprit, ce sera toutefois pour le visiter plus assidûment, l’habiter à plus long terme. Nous avons besoin de temps pour nous défaire de nos habitudes quotidiennes, pour nous laisser transformer, déprogrammer.
L’expérience du pèlerin randonneur s’étendant sur un à plusieurs mois, cette différence ne sera pas à négliger. C’est elle qui lui permettra de franchir l’état de vacancier pour entrer pleinement dans l’expérience pèlerine. D’aller au-delà de l’objet « vacances » pour approfondir la quête, le désir, qui anime son projet.
À la base, pèlerins et vacanciers ne cherchent pas seulement une pause dans leur vie, ce n’est pas seulement pour se changer les idées qu’ils quittent leur demeure. Ils cherchent quelque chose qui existe dans ce moment hors du temps et qu’ils voudraient s’approprier pour tous les jours de leur vie. Tout le monde voudrait de perpétuelles vacances!
Et c’est là que le vacancier n’aura qu’à faire quelques pas de plus pour devenir pleinement pèlerin. Franchir l’état de vacancier pour devenir pèlerin, c’est se mettre à l’écoute de ce qui nous interpelle du fond de ce projet et nous fait tant de bien. Ce n’est plus seulement une parenthèse, une manière de se changer les idées pour se donner le courage de retourner au boulot et reprendre le harnais. C’est tenter de comprendre pour demeurer dans cet état d’esprit et se laisser transformer.
Dans le parcours pèlerin, vient un moment où je n’agis plus comme un vacancier qui sera de retour au travail sous peu et qui commence déjà à anticiper les tâches qui l’attendent. À travers la durée de l’expérience, le processus de la démarche du pèlerin peut s’installer. Ce processus – qui s’installe bien indépendamment de la volonté du pèlerin – lui permettra, progressivement, de quitter sa tête pour marcher avec son cœur et sentir par les pieds. Il lui permettra d’entrer pleinement et consciemment dans ce mode de vie qui met en contact avec le sol, enraciner dans la réalité, la tête portée par le vent.
Le pèlerin entre alors avec confiance dans un autre temps, un autre espace, où il reçoit sa vie comme un don qui le traverse. C’est là que l’aventure pèlerine commence!
Éric Laliberté