Le pèlerin provoque les miracles du chemin
Il meurt lentement celui qui ne se laisse jamais aider.
Pablo Neruda
Le mois que nous venons de passer en compagnie d’Ann Sieben nous le démontre bien : le pèlerinage suscite un élan communautaire incroyable. Vous avez été nombreux à vous laisser prendre par cet élan que ce soit en offrant votre hospitalité, en vous rassemblant autour de cet événement, pour marcher avec nous, ou encore pour nous accueillir. J’entends Brigitte me dire : « le pèlerinage génère du communautaire! », et elle a raison! À travers le pèlerinage se redécouvrent toutes les racines d’un vivre ensemble où il fait bon se retrouver, partager, prendre le temps. Des liens simples, sans attente. Une présence aimante.
Le pèlerin appelle la rencontre, invite au sourire, au partage. Qui n’a pas eu le goût de faire quelques pas avec le pèlerin? Le pèlerin nous interpelle dans notre fibre sensible et humaine. Parfois même, il incite à la confidence. Il fait germer en nous des élans de générosité et met en branle tout un réseau d’entraide.
Combien de fois l’avons-nous expérimenté sur La Voie du St-Laurent, ou ailleurs! Les gens s’arrêtent pour discuter, offrir de l’eau, une barre-tendre… Parfois c’est nous qui demandions et qui, au final, recevions le triple de ce que nous avions demandé. Je me rappelle cette dame de Cap-aux-Os chez qui nous avions fait une halte. Nous avions demandé s’il était possible d’utiliser leur table de pique-nique pour nous reposer. Une fois les sacs à dos déposés, la dame s’est mise à jaser et poser des questions sur notre démarche. Après quelques minutes d’échange, elle et son mari apportait du café pour tout le monde. Une halte toute simple qui s’est transformée en rencontre amicale et dont nous gardons un merveilleux souvenir. Nous avons des dizaines d’histoires comme celle-là à raconter. Pourtant chacune d’entre elles a quelque chose de particulier, un lien du cœur…
Le pèlerin avance lentement. Par sa lenteur, il devient accessible et… dérangeant. Un pas après l’autre, il avance et occupe notre champ de vision pendant de longues minutes. Inévitablement, des questions surgissent en le voyant approcher. Dès l’instant où nous l’apercevons son allure questionne, sa démarche interpelle. Même si plusieurs n’ont pas la fibre pèlerine et qu’ils n’ont pas l’intention de se lancer sur les grands chemins, la simple vue du pèlerin met en route notre pèlerin intérieur et ravive la flamme de notre humanité : « Il doit être fatigué? Il doit avoir faim, avoir soif? » Nous sommes curieux : « Qu’est-ce qu’il fait là? Pourquoi cette marche? Où va-t-il? » Et parfois l’entreprise nous dépasse : « Il est fou ou courageux! »
Dès qu’il s’approche, on sent le lien qui se crée, l’électricité qui passe. On ne peut éviter le bonjour et le sourire amical du « peregrino », celui qui marche en terre étrangère. En effet, le pèlerin est seul et s’avance sur un territoire inconnu. Hors de ses repères usuels, il devient vulnérable. Il a besoin de l’autre. C’est le cœur de sa démarche : faire confiance à celui qu’il croise sur sa route. Sans cette confiance, impossible d’avancer. Cette rencontre est la seule aide qu’il puisse espérer sur sa route, et c’est là que toute la magie du pèlerinage s’opère. Le pèlerinage incite à la rencontre, à l’ouverture, à l’entraide. Il active et ravive notre humanité. Il rassemble. Autour d’une seule personne, tout un groupe se mobilisera pour offrir son aide et soutenir ce projet…
Le pèlerinage fait tout un travail de fond qui incite et ravive les liens puissants du communautaire. Le pèlerin dans toute sa vulnérabilité n’a qu’une seule force et elle se trouve dans le tissu communautaire qu’il ébranle sur son passage. Il nous interpelle au plus profond de notre être. La présence du pèlerin sur nos routes a un impact positif et social immense : il réactive les liens qui rendent sensible à l’autre. Le pèlerin provoque les miracles du chemin. Oui, mon amour, tu as raison : « le pèlerinage génère du communautaire », c’est merveilleux!
Éric Laliberté