Le pèlerinage, un outil de transition
Quand une fleur ne fleurit pas,
vous modifiez l’environnement dans lequel elle se développe, pas la fleur.
Alexander Den Heijer
Tout au long de notre vie, nous sommes en recherche d’un mieux-être intérieur et en quête d’une identité qui nous soit propre. Chaque instant de notre vie nous amène à nous connaître davantage et à préciser celui ou celle que nous souhaitons être et devenir. À travers les âges, inconsciemment, plusieurs éléments de notre entourage viennent influencer le portrait que nous sommes à façonner.
De notre jeune âge à aujourd’hui, nous avons tous été marqués par les gens et les événements que nous avons vécus. Nous portons tous en nous la trace de ces passages de notre histoire de vie. Afin de trouver une définition de soi que nous jugeons juste et dont nous sommes fiers, nous avons parcouru notre chemin de vie en développant des comportements en réaction à notre environnement. Pour obtenir ce que nous désirons et accéder à une satisfaction, qu’elle soit matérielle ou affective, nous avons expérimenté et exploité nos ressources et talents personnels. Nous avons détecté les habiletés gagnantes et avons depuis lors travaillé à les parfaire et à les raffiner. Pourtant, ces comportements, même s’ils viennent répondre à nos besoins, ne sont pas toujours pour autant aidants ou enrichissants pour la personne que nous voulons être. Mais nous les conservons car ils sont adaptés à notre vie du moment. Nous nous trouvons alors dans cette de zone de confort: ce connu pas toujours confortable, mais confortant.
Tout au long de notre route, nous traversons des périodes de crises. Que ce soit la crise du non, celle plus douce du pourquoi, l’adolescence, la trentaine, la crise du mi-temps et le départ à la retraite, tous ces instants de vie sont des temps de remise en question identitaire. Comme le poussin qui voit sa coquille devenir étouffante et qui se décide à la casser, nous ressentons le besoin de passer à autre chose, de grandir, de changer de peau, de muer. Notre situation de vie du moment ne nous convient plus. Le temps a passé. Nous avons évolué. Nous ne sommes plus tout à fait celui que nous étions il n’y a pas si longtemps. Et nous sommes maintenant mûrs pour un changement. Nous souhaitons réorganiser certains aspects de notre vie, changer de décor.
Qui suis-je? Où vais-je? Deux questions qui guident notre ménage intérieur. Le passé, le présent et le futur du Moi. Plus jeune, nous ajoutions des pièces pour bâtir notre identité. Nous ramassions autour de nous celles qui nous séduisaient, celles qu’on nous donnait et celles qu’on nous imposait. Nous nous attardions davantage au Moi présent et futur. Mais avec le temps, la maturité, avec du recul, lorsque rendus adultes nous redéfinissions notre être intérieur, nous accordons une attention particulière au Moi passé. Éric Laliberté dit souvent : « Nous sommes tous le résultat d’un parcours de vie. » Rendu à un certain âge, redéfinir qui nous sommes, c’est se départir de certaines pièces de notre identité que nous ne souhaitons plus être, qui ne nous appartiennent pas, qui ne nous ont jamais vraiment appartenu mais que nous avons endossées toutes ces années par devoir, par habitude, par soumission… Pour bien définir qui nous sommes et qui nous aspirons à devenir, il est essentiel de revoir qui nous avons été, refaire notre chemin, suivre notre fil d’Ariane pour se retrouver.
Dans chaque situation de redéfinition identitaire, il y a un détachement qui s’opère entre nous et l’extérieur; éloignement des parents, des amis, du travail, des obligations, de toutes ces sources d’influences que nous ne souhaitons plus subir, de ce monde qui nous bombarde constamment d’images de soi, de modèles à suivre et à être; un monde qui tente par tous les moyens de nous vendre une identité : piège dans lequel il nous est tellement facile de tomber et de s’oublier. Le pèlerinage se présente alors comme un temps d’arrêt, un voyage en marge du monde, une marche avec soi pour mieux se connaître et s’apprendre. Le pèlerin d’aujourd’hui savoure son voyage car en plus de lui offrir un dépaysement et une tranquillité d’esprit, il lui permet d’être pleinement lui-même sans avoir à lutter contre un monde extérieur qui cherche à le contraindre à une définition de lui-même et le tiraille dans ses convictions profondes.
Pour celui qui a besoin de descendre du train-train quotidien qui roule si vite pour faire un ménage personnel dans ce fouillis d’idées et d’irritants qui se bousculent et lui brouille l’esprit, le pèlerinage se présente comme un outil permettant cette escale de vie et facilitant ce bilan de par le vide qu’il fait émerger. Ce vide momentané est comme le vide au centre de la flûte, celui de la guitare; c’est de ce vide que nait la musique de l’instrument; c’est de ce vide que naîtra ma musique!
Brigitte Harouni
Merci…j’aime vraiment beaucoup cette réflexion.
À commencer par la citation de la fleur, car c’est vrai qu’on empote et rempote une plante. Je viens de prendre conscience que nous aussi, nous devons nous rempoter…lors de nos remises en question pour ne pas rester « empoté ». Nous devons comme le poussin briser la vieille coquille, certes confortable mais pas tant que ça finalement pour oser pendant un certain temps affronter, le temps d’une escale, le vide…car c’est de ce vide que naîtra ma musique. Eh, c’est beau, Merci!