Vendeur de bonheur
La plupart du temps, on est tellement focalisés sur ce qu’on croit vouloir qu’on ne voit pas à quel point on est déjà heureux.
Glenn Beck
Notre quotidien est bombardé de publicités qui, pour vendre un produit, nous en vantent les bienfaits : source de bonheur assuré. Chacun de nous tombe dans le piège de la consommation et contribue à ce mouvement en paradant avec sa dernière acquisition ou en faisant l’éloge de l’aubaine à ne pas manquer. Nous vivons dans une société « money-théiste » qui nous conditionne à devenir d’éternels insatisfaits en créant toujours plus de besoins. Le présent perd de sa valeur au détriment de l’espoir d’un avenir toujours meilleur.
Un des privilèges du pèlerin, c’est de sortir de cette course vers la promesse du mieux-être, sortir de ce débordement d’achats impulsifs, compulsifs, superflus, sortir de cette pression sociale qui aveugle le jugement et écarte des réels besoins de la vie. Sur le chemin, le temps change de dimension. Le présent semble durer plus longtemps. L’avenir, s’il est une préoccupation, est très rapproché. Ne manquant de rien pour bien vivre chaque journée, on réalise tout l’encombrement de nos vies modernes. Délesté de tout ce superflu, on découvre la légèreté de vivre simplement au gré de nos besoins et de nos désirs. Sans attaches. Sans obligations. Car plus nous possédons, et plus nous devenons esclaves de ces avoirs pour lesquels nous devrons travailler afin de les payer ou leur consacrer du temps pour les entretenir. Le pèlerin qui porte tout son avoir sur son dos prend le temps d’évaluer chaque nouvelle acquisition : l’espace occupé et le poids ajouté en regard de son utilité. Le prix n’est souvent pas sa première préoccupation!
De nos jours, tout est mis en place pour que la consommation soit rapide. Pour permettre plus de consommation. Tout le plaisir qui nait de l’attente et du désir d’anticipation, qui pourtant donne toute sa valeur à la nouveauté, est escamoté. On vit dans un futur immédiat. Toujours un peu en avant du maintenant. Toujours en projection de ce qui est à venir. Oubliant de profiter du moment présent. Un pèlerinage permet de déconditionner ce comportement. Les premiers jours, tout change de rythme. Le temps se transforme lentement, passant du temps mécanique de l’horloge qui vient dicter notre rythme de vie, au temps naturel dans lequel le pèlerin redevient maître de son horaire. Graduellement, le pèlerin cheminera à son rythme naturel, ponctuant ses journées de pauses, de siestes, de collations en fonction de ce que lui et son corps conviennent. Cheminant en marge de l’influence des géants du marketing, il se réapproprie ses besoins de consommation et identifie ce qui est source de bonheur et de bien-être pour lui.
Le pèlerin se détache de l’ « avoir » pour entrer dans l’ « être ». Être c’est reconnaître son identité propre, vivre en pleine conscience son présent. Et c’est dans cette conscience du maintenant que le pèlerin s’arrête pour goûter la vie et qu’il expérimente un sentiment de plénitude. C’est ce bien-être intérieur qu’il souhaite rapporter dans ses bagages. Cependant, le bonheur, contrairement à tout ce que les commerçants nous disent, n’est pas dans l’avoir mais dans l’être. Et cet être, il est en nous. Plus le pèlerin prendra conscience de son état de bien-être, de ce qu’il vit d’agréable dans son corps, plus il sera en mesure d’identifier les ingrédients qui le composent.
Le bonheur ne se vend pas, ne s’achète pas. Vous le possédez déjà. Prenez-le temps de le vivre. Soyez pèlerin au quotidien. Cessez de courir. Cessez d’avoir hâte aux prochaines vacances, à la retraite, à la fin de semaine, à la relâche. Prenez le temps de vivre maintenant. Qu’est-ce qui goûte bon dans votre vie?
Brigitte Harouni