Un sanctuaire intangible
Un système d’éducation vaut bien peu s’il apprend aux jeunes à gagner leur vie
mais ne leur enseigne pas comment faire une vie.
David Suzuki
Par définition, un sanctuaire est un lieu, un édifice sacré. Souvent lieu de dévotion à une divinité, ils ont, à travers le temps, attiré de nombreux croyants et sont devenus de hauts lieux de pèlerinage. Sainte-Anne-de-Beaupré, l’Oratoire Saint-Joseph, Notre-Dame-du-Cap, L’Ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette et la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec sont des sanctuaires du Québec tout comme l’est la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle en Espagne. Des milliers de gens viennent chaque année s’y ressourcer et se recueillir dans ces murs, espérant en ressortir inspirés, transformés par l’âme toute-puissante qu’ils abritent.
Plus récemment, le mot sanctuaire s’est vu revêtir un nouveau sens. En effet, on parle de nos jours de sanctuaire pour désigner un lieu de préservation de la faune et la flore. On en retrouve une infinité à travers la planète, tant sur terre que dans l’eau. Le sanctuaire Pélagos en méditerranée, celui de Malpelo sur la côte colombienne ou le sanctuaire de baleines de l’océan Antarctique sont des espaces maritimes protégés pour les mammifères marins ou les poissons. Le sanctuaire de Los Flamencos en Colombie permet aux flamands d’y vivre hors de toute attaque humaine. Le sanctuaire d’éléphants au Sri Lanka, le sanctuaire Tetiaora des tortues vertes en Polynésie, le sanctuaire de la chaîne du mont Hamiguitan dans les Philippines qui protège une grande variété d’arbres et de plantes en danger. Plus proche de nous, l’Île Bonaventure accueille une colonie de Fous de Bassan et l’Archipel-de-Mingan abrite deux sanctuaires pour oiseaux migrateurs dont l’eider et le macareux. Il existe une multitude d’aires et de refuges réservés à la conservation de la nature. Tous ces sanctuaires ont pour fonction première de protéger la vie pour offrir plus de vie-s. Des scientifiques de différents domaines travaillent de concert pour s’assurer que l’environnement extérieur réponde adéquatement aux besoins de développement de l’espèce à préserver. Ces milieux de vie ont été créés pour permettre aux espèces animales ou végétales de croître dans un cadre plus naturel et originel, exempt des agressions générées par la vie humaine moderne.
Pour le pèlerin, celui qui marche vers son sanctuaire, on retrouve ces deux conceptions voisines de ce qu’est un sanctuaire. Le pèlerin se dirige concrètement vers un lieu d’arrivée qu’il s’est fixé. Un lieu qui a une symbolique pour lui, un lieu qui l’attire et l’inspire et où il espère trouver le calme qui apaisera la tempête qu’il porte en lui et l’incite à prendre le large. Plusieurs pèlerins arriveront à la cathédrale de Santiago, fiers de leur exploit, émus par leur réalisation, mais cependant habités par un sentiment d’incomplétude, d’inachèvement. Le corps physique s’est bel et bien rendu au terme géographique du voyage, mais l’esprit demeure en quête de son sanctuaire. La cathédrale est la réponse à la fin du voyage planifié, mais non la réponse au voyage émotif qui a mis le pèlerin en marche. Nombreux sont les pèlerins qui poursuivront leur route pour aller rejoindre l’océan à Muxia ou à Finistère, car forcément la réponse doit se trouver ailleurs. Mais comment la chercher? Où la chercher? Quoi chercher?
Le sanctuaire de chacun est ce lieu de paix qui permet au pèlerin de vivre bien et de bien vivre. Le pèlerin est le bâtisseur de ce sanctuaire. Il est à lui seul l’équipe de scientifiques qui met en place les conditions favorables pour plus de vie et veille constamment à parfaire l’équilibre de son écosystème. Il est celui qui observe la vie en lui, qui identifie ce qui goûte bon et ce qui le fait souffrir. Il tente de déterminer quelles agressions extérieures lui nuisent et comment la vie en société de consommation l’affecte. Il trie, jette, adapte, conserve, ajoute, ajuste pour avoir une vie qui soi la sienne. Graduellement, il consolide les bases de son sanctuaire. Et plus il avance dans la vie, plus son sanctuaire se précise, se transforme et évolue avec lui.
La route qui mène au sanctuaire du pèlerin est intérieure et infinie. Elle est faite d’écoute de soi, de respect de soi, et d’harmonie entre l’intérieur et l’extérieur. Le sanctuaire est ce lieu intime vers lequel le pèlerin tend pour y trouver un équilibre entre la vie réelle et le sens qu’il veut que la sienne ait.
Brigitte Harouni