La liberté, une histoire de choix!
À l’instant où l’esclave décide qu’il ne sera plus esclave, ses chaînes tombent.
Gandhi
Le pèlerin qui avance sur sa route, son sac sur le dos, le pas léger après tous ces kilomètres d’expérience, voyage avec légèreté. Il croise sur sa route des villageois, des travailleurs, des vacanciers, des jeunes et des moins jeunes, et sans le savoir, il sème la rêverie dans l’esprit de chacun. Il vient chatouiller les pensées de ceux qui le regardent et parfois l’envient. Par sa marche, mais aussi par son allure intemporelle, il fait émerger une vague de questionnements et intrigue les plus pressés, les plus férus du monde moderne.
Pas de cravate, pas de talon aiguille, pas de veston ni d’uniforme, le pèlerin est pèlerin! Il est cette page blanche qui attend de s’écrire, cette toile avant d’être caressée de couleurs, cette bûche qui ne laisse suspecter l’œuvre qu’elle renferme sous son écorce. Le pèlerin est libre d’être. Ni patron, ni employé dévoué, ni maman, ni ainé de famille toujours à la hauteur, ni conjoint, ni meilleure amie qui est toujours là pour aider. Le pèlerin se libère de tous ces chapeaux, de tous ces rôles qu’il joue quotidiennement. Ces personnages dont il maîtrise parfois tellement bien le rôle qu’il a de la difficulté à s’en défaire. Mais son public, ceux qui l’entourent, l’apprécient dans ce rôle et l’encouragent à continuer cette performance. Maintenant pèlerin, il se permet de voyager sans toutes ces pressions externes, mais aussi sans celles que lui-même s’impose. Dépouillé de son entourage, de son habitat social habituel, dans ce vide de définition hiérarchique et social, il découvre la liberté d’être. Être tout simplement lui et l’apprécier. Sans artifice et sans maquillage.
Pas d’obligations professionnelles, pas de contraintes d’horaire, pas de compromis avec un autre, pas de planifications complexes en famille, le pèlerin négocie avec lui-même. Il vit un retour aux sources d’un mode de vie naturelle. Sa journée se dessine au gré du temps, des plaisirs et des besoins. Le temps mécanique est devenu un outil facultatif et le temps naturel a repris la place qui lui revient. Les effets de la société de consommation s’estompent et leurs relents deviennent inconcevables ou même choquants. Le pèlerin réapprend à écouter ses élans intérieurs pour guider ses décisions. Loin des agressions de la civilisation, dans ce mode de vie désencombré, le pèlerin savoure sa liberté de mouvement. Il reprend le contrôle sur sa vie, se réapproprie pleinement son pouvoir de décider. Il devient maître de ses pas et de la route qu’il choisit de prendre. Comme le papillon qui déploie ses ailes après plusieurs semaines, et parfois même plusieurs mois de confinement dans le cocon, le pèlerin savoure ce plaisir enivrant d’être libre de toute attache.
Le privilège du pèlerin réside dans son pouvoir de choisir. Son nouveau statut lui octroie d’office le plein pouvoir décisionnel sur sa personne. Il n’en tient qu’à lui d’en faire bon usage et d’avoir le courage et la force d’affronter les mécanismes de protection qu’il porte en lui et qui lui nuisent. Sentiment de culpabilité, altruisme exacerbé, compétitivité, contrôle de l’image de soi projetée, devoirs intériorisés et peurs sont autant de barrières personnelles qui viennent tenter de contrecarrer l’expression spontanée de ce que le pèlerin souhaite vivre. Le pèlerin lui-même est la principale limite à sa latitude de mouvement, à sa liberté. Tous ces enfermements qu’il traine avec lui dans son bagage de vie, il devra apprendre à les reconnaître, puis choisir de s’en détacher ou de s’en départir s’il veut expérimenter sereinement la légèreté d’être libre.
Comme le skieur acrobatique qui s’entraine sur un trampoline avec un harnais avant de s’élancer sur le tremplin enneigé de haute voltige, le pèlerin, sur le chemin de pèlerinage, apprend à développer les habiletés qu’il lui faudra maîtriser pour atteindre son sanctuaire et atterrir sur ses deux pieds. Pour le pèlerin, le vrai défi, s’il veut continuer de vivre avec ce sentiment de liberté, sera d’harmoniser son monde intérieur avec celui de l’extérieur tout en faisant preuve de souplesse et d’agilité. Il devra se rappeler qu’il est l’agent de changement, celui qui crée le mouvement, celui qui a le pouvoir de choisir.
Brigitte Harouni