Marcher pour s’apprendre
Dans ma vie, j’ai beaucoup appris par les livres.
Je ne pensais pas qu’on pouvait en apprendre autant par les pieds,
par ce mouvement si simple et répétitif des pieds!
l’abbé Gérard Marier
Le pèlerin, celui qui s’engage sur un chemin de Compostelle, souvent après une longue période d’hésitation et de négociations intérieures, s’engage autant dans une marche que dans une démarche. Se lancer dans une telle aventure, c’est accepter de lâcher prise sur son monde de connus et s’engager, un pas à la fois, sur le chemin de la découverte.
Cette expérience de vie qu’offre le pèlerinage amène l’individu à quitter presque l’entièreté de sa zone de confort. Tous ses repères sont à redéfinir. Il se retrouve entouré de paysages nouveaux, baigné dans une population ayant des habitudes de vie qui lui sont étrangères, confronté à communiquer dans une langue qu’il ne maîtrise pas, et déterminé à voyager à pied, activité qu’il ne faisait pas aussi intensément avant. Cette épreuve que le pèlerin s’impose est grande et les états émotionnels qu’il traversera seront profonds et variés. Transportant avec lui un simple bagage, seule trace de son monde antérieur, il part affronter ses craintes et découvrir les plaisirs d’une autre vie. Comme tout bon explorateur qui s’apprête à vivre une expédition parsemée d’imprévus, le pèlerin a soigneusement réfléchi son bagage. Son sac à dos contient ce qui à prime abord lui semble être l’essentiel pour bien vivre l’aventure et faire face aux aléas du chemin. Ce qu’il découvrira en chemin, c’est que ce sac à dos n’est pas bien différent de l’ourson en peluche que l’enfant traine avec lui comme son meilleur ami. Car ce bagage n’est qu’une sécurité matérielle. Le meilleur bagage du pèlerin est en lui.
Le pèlerinage est un long stage d’apprentissage, une mise en situation pour vivre un changement. Le pèlerin qui semble pourtant voyager léger, transporte en lui tout un bagage d’expériences de vie, de connaissances, d’aptitudes et de qualités. Autant d’outils qui lui seront utiles tout au long de sa marche. Le pèlerin, se retrouvant dans un contexte particulièrement déroutant, n’a d’autre choix que de faire appel à ses ressources intérieures. Chaque journée apportant son lot d’épreuves, grandes ou petites, le pèlerin découvre l’étendue et l’éventail de ses capacités. Certaines forces étaient déjà bien présentes et connues dans son autre monde, mais d’autres l’étaient moins, voire même pas du tout, le contexte de vie permettant moins leur actualisation. Seul, sans pour autant être isolé des autres, le pèlerin apprend à compter sur lui-même. Au fil des jours, le pèlerin commence à se redéfinir une nouvelle zone de confort. Comme tout individu confronté à un changement, comme tout apprenant face à un nouveau concept, le pèlerin évolue, un pas à la fois, vers la maîtrise des nouveaux paramètres de cette réalité. Il observe, expérimente, analyse, vit des réussites et des échecs. Et malgré les défis, il avance sur sa route, se consolide, prend de l’assurance et prend plaisir à savourer son nouveau confort.
Au terme de cette expérience de vie, le pèlerin revient grandit. Au-delà des apprentissages concrets, le pèlerin revient plus conscient de son potentiel de réalisation. Ce périple permet à l’individu de constater ses capacités à survivre à un tumulte dans sa vie, lui montre qu’il a tout ce qu’il faut dans son bagage intérieur pour passer à travers les épreuves de la vie, l’outille pour faire face au changement avec confiance. Le pèlerin rapporte certes beaucoup de photos et de souvenirs de son voyage, mais il rapporte aussi une panoplie d’habiletés, d’aptitudes et d’expériences qui s’ajoutent à son bagage personnel d’avant-pèlerinage et enrichissent sa personne d’une richesse sans prix!
Brigitte Harouni
Très beau texte Bravo
Beau texte en effet. Et on revient avec ce que j’appelle, « la maladie des bottines », c.-à-d. qu’à chaque année on continue 😛
Quelle douceur dans ce texte empreint de sagesse.
Merci!
Je suis revenue il y a deux semaines et c’est tellement ce que je ressens et ce que je voudrais dire à ceux qui me questionnent. C’est tellement bien dit.. J’ai bien peur d’avoir attrapé moi aussi la maladie des bottines même si j’étais en souliers…
Il y aurait tellement à dire après un tel voyage, mais il n’y a rien de plus parlant que de le vivre! Bon retour Louise!
Je l’ai fait il y a 12 ans déjà et je partage entièrement le descriptif, ci-haut, de ce merveilleux périple. C’est effectivement tout un périple, mais combien enrichissant !