Sur le chemin, c’est chacun sa merde!
La seule solution durable et efficace pour faire diminuer le stress,
est de nous remettre au centre de nos vies et d’agir dans le respect de qui nous sommes.
Fatima Skakni
Peut-être un peu vulgaire comme titre, mais rien ne peut être plus clair. On peut apprendre beaucoup de choses de la vie en allant à l’université, en lisant des livres ou en surfant sur la toile, mais on en apprend beaucoup sur soi et sur notre façon d’aborder la vie, en voyageant. Et que dire de tout ce qu’un très long pèlerinage à pied, avec le sac au dos, peut nous enseigner! Parmi tout ce que je rapporte avec moi du pèlerinage, il y a cette phrase : «A chacun sa merde!» entendue dans le film: « Saint-Jacques… La Mecque! » et qui résume clairement ce que j’ai appris.
Nous portons tous un sac sur nos épaules. Nous avons tous dans ce sac notre lot quotidien de petits poids qui nous pèsent et dont nous devons nous occuper : les enfants, les repas, l’épicerie, le ménage, le travail, les devoirs, les finances, la paperasse. Puis, comme tout pèlerin, nous avons aussi des articles plus personnels : un parent ou un enfant malade, un accident qui guérit lentement, une fragilité physique, un projet de rénovation, une séparation, une perte d’emploi, un deuil. Tous ces accessoires qui sont dans notre sac de vie, nous les portons chaque jour avec nous sur nos épaules. Chaque matin, nous reprenons la route de notre vie avec une énergie nouvelle qui faiblira avec les heures, et nous anticipons avec joie la venue de la fin de semaine, cette pause durant laquelle nous pourrons déposer une grande partie de ce sac et marcher le pas plus léger.
Lorsque nous marchons réellement, jour après jour, une vingtaine de kilomètres par jour, avec un sac de 15 livres sur le dos, il ne se passe pas une journée sans qu’on ne ressasse le contenu de ce sac, en quête d’un possible allègement de la charge. Ai-je vraiment besoin de tous ces poids? Chaque livre est analysée. Des décisions sont prises : «Au prochain pèlerinage, je n’apporterai pas mon roman… je n’en ai pas besoin. J’apporterai un plus petit pot de crème… j’en rachèterai en route. J’apporterai moins de chandail… je laverai régulièrement. Demain je porte moins d’eau, il y a des fontaines dans tous les villages, et elle sera plus fraiche!» Le pèlerin choisit ses poids en fonction de ce qu’il est et de ce qu’il veut vivre. Dans notre vie, il faudrait aussi prendre le temps de prendre conscience de ces poids que nous portons chaque jour, de les soupeser, de les analyser et de les choisir. Nous pourrions alors mettre en évidence ceux qui nous questionnent le plus et trouver à chacun de ces poids une solution d’allègement qui nous convienne, en fonction de ce que nous souhaitons vivre; sachant qu’entre porter tout le poids et s’en débarrasser complètement, il existe tout un monde de possibilités.
Imaginez lorsque sur le chemin, un autre pèlerin vous demande de porter une partie de son sac, voire même le sac entier (oui, c’est un cas vécu!)! À pied, le pèlerin considèrera assez rapidement la demande, passant déjà une grande partie de son temps à jongler avec ses propres poids. Cette situation est très semblable à toutes ces demandes de «petits services» qu’on nous fait durant une journée. Et contrairement au pèlerin, la plupart d’entre nous n’hésiterons pas un instant à accepter d’aider ou de dépanner un collègue ou ami qui, lui, manque de temps pour réaliser ses tâches. Nous ne prenons généralement pas le temps de considérer le poids de ce que nous portons déjà. Nous faisons de la place dans notre horaire, comprimant ce que nous avions prévu de faire, sacrifiant notre petite pause-santé, roulant plus vite pour réussir à tout faire dans la même journée. Contrairement au pèlerin qui choisit et se choisit, nous subissons notre décision, parfois même fâché d’avoir accepté.
Sur le chemin, le pèlerin apprend à dire non. Il apprend à se respecter dans ses limites et ses choix. Il réalise aussi qu’aider ne signifie pas forcément qu’il faut le faire à la place de l’autre. Celui qui ne peut plus porter sa charge pourra découvrir d’autres solutions que celle de surcharger un bon samaritain. Il peut décider de se reposer plus longtemps pour reprendre des forces, prendre l’autobus, utiliser le service de transport de bagage et marcher la route plus léger, et il pourrait aussi revoir le contenu de son propre sac et analyser chaque kilo qu’il a choisi de porter. Car c’est son sac! De même, avant de se surcharger d’une tâche qu’un autre avait choisie, nous pouvons considérer l’ensemble des options qui pourraient aider cet ami et l’amener à trouver une autre solution que celle de se décharger des engagements qu’il avait pris.
Sur le chemin, pour bien vivre le pèlerinage, sans trop de blessures, on nous recommande d’avoir un sac qui n’excède pas 10% de notre poids. Je ne suis pas experte en la matière, mais depuis plusieurs années, je me plais à découvrir tous les parallèles existant entre l’exercice du pèlerinage et la vie au quotidien, et je suis prête à parier que dans mon sac de vie, les poids qui alourdissent ma journée ne devraient pas excéder 10% de mes pensées, si je veux bien vivre. Vous me direz que 10% c’est bien peu! Mais 10% de bagage pour un mois, c’est peu, et pourtant c’est déjà bien assez lourd!
Brigitte Harouni
Beautifully said, Brigitte! I love your analogies between pigrimage and life. And, yes, I need to continue to learn how to respect my limits and say no, how to lighten my load of baggage, how to not cut out the breaks needed for restoring energy and vitality. Thank you for sharing your wisdom!
Blessings! Michelle