Emprunter le chemin de nos peurs
Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint.
Montaigne
Décider de partir en pèlerinage n’est pas simple. C’est accepter de plonger dans un monde inconnu parsemé d’impondérables, de périodes d’inconfort et d’instabilité. Mais ce que ce voyage nous oblige avant toute chose à affronter ce sont nos peurs et nos grandes insécurités. Ces zones d’ombres que nous portons en nous, que nous tentons de camoufler et de cacher mais qui pourtant ont un pouvoir d’influence incroyable sur nos décisions et agissements.
Comme l’enfant qui a peur d’aller au sous-sol seul, qui ne veut pas dormir sans sa veilleuse, qui a besoin de son petit nounours en peluche dès qu’il sort de la maison, qui ne veut pas que son parent le laisse à la première fête d’enfants à laquelle il est invité. Comme cette adolescente qui n’en finit plus de se changer avant de partir pour l’école, et qui part avec quelques accessoires «au cas où» dans sa trop grosse sacoche, ou cet adolescent qui angoisse à l’idée de la rentrée scolaire. L’adulte que nous sommes aujourd’hui n’est pas bien différent de l’enfant qu’il a été. Nos peurs ont grandi avec nous. Et bien qu’elles soient souvent irrationnelles et non-désirées, certaines ont pris des proportions ou s’actualisent sous des formes qu’on ne suspecte même pas.
Le pèlerin emporte avec lui, dans son sac de vie, ses propres peurs. Et une fois en marche, impossible de les faire taire. Tout le contexte du pèlerinage les force à sortir du sac! La nature est ainsi faite que même en acceptant de s’engager dans cette aventure, le pèlerin ne lâche pas complètement prise sur tout. Spontanément et inconsciemment, il garde le contrôle sur ce qui lui semble essentiel à son bien-être. Et ce sont généralement ses peurs qui l’amèneront à agir de la sorte. Le pèlerin qui en plus de marcher est en démarche prendra le temps de s’observer et de constater l’expression de ses propres peurs. La recherche de simplicité, de dépouillement, la fatigue, les blessures, et le fait que nous traversons des villages souvent bien desservis et des secteurs habités, tous ces éléments l’invitent à se poser des questions : de quoi ai-je peur et pourquoi?
- pourquoi ai-je besoin de porter autant de vêtements avec moi?
- pourquoi ma pharmacie prend-elle autant de place dans mon sac?
- pourquoi est-ce que je me lève à 4 heures du matin pour aller prendre la route, alors qu’il fait encore noir dehors?
- pourquoi ai-je si peur d’avoir chaud? d’avoir froid? d’être mouillé par la pluie?
- pourquoi ai-je besoin de réserver mon hébergement d’avance?
- pourquoi ai-je peur de me retrouver seul pour le souper?
- pourquoi ai-je peur de marcher seul?
- pourquoi est-ce que je ne peux m’empêcher de me maquiller le matin?
- pourquoi est-ce que j’accepte de me blesser davantage juste pour suivre le rythme de l’autre?
- pourquoi ai-je besoin de montrer aux autres que je marche vite et que je ne me fatigue pas, alors que mon corps soufre?
Après une première réponse évidente, le pèlerin remontera pas à pas le questionnement, allant de pourquoi en pourquoi. L’important ici n’est pas de vaincre nos peurs, mais avant tout de les reconnaître, et de prendre conscience de la façon dont, sournoisement, elles influencent notre parcours de vie. Cette démarche fait partie du pèlerinage : c’est le chemin intérieur qui se façonne pour guider le pèlerin vers celui qu’il est vraiment, vers son mieux-être. C’est une première étape vers la liberté et une ouverture sur l’acceptation et la réalisation de soi. «Chaque expérience où vous vous arrêtez vraiment pour regarder la peur bien en face, augmente votre force, votre courage et votre confiance. Faites ce que vous pensez ne pas pouvoir faire.» Eleanor Roosevelt.
Brigitte Harouni
Je suis en accord complet avec ce texte ,et ma foi je me retrouve et j’aie ressentie ce que j’éprouver lorsque je fais le chemin en 2011 et qui d’ailleurs me démange de repartir
Merci a vous d’avoir si bien écrit ces paroles ,je suis profondément touchée
merci a vous
Cordialement