Les temps du pèlerinage
Les défis rendent la vie intéressante; les surmonter lui donne un sens.
Joshua J. Marine
La question qui importe le plus pour qualifier un pèlerinage n’est pas tant le où? ni le pourquoi? le vers où? ou le quelle distance? Ce qui permettra au marcheur de grandir spirituellement c’est le combien de temps? Car marcher longtemps, c’est refaire le chemin de la vie, et peut-être même, de sa vie!
Tout comme de jeunes parents à l’aube d’une naissance, dès l’instant où le futur pèlerin a pris sa décision de partir, il commence ses préparatifs. Il s’informe pour en savoir d’avantage sur ce chemin qu’il choisit d’entreprendre. Il accumule les objets qui lui seront nécessaires durant le voyage. Il vit la fébrilité de l’attente et les petites inquiétudes de ce passage vers le nouveau, vers l’inconnu. Puis le grand jour arrive enfin.
Le voyageur fait ses premiers pas sur le chemin. Tout jeune encore, il ne connait rien du voyage qui l’attend. Il est parfois hésitant et craintif, et à d’autres moments téméraire et aventurier. Durant la première semaine, comme le jeune enfant, il cherche à s’établir des repères. Il est préoccupé de savoir où il mangera et où il dormira. Il titube, se fait mal, se relève. Il est content de s’être donné ce défi. Il sent qu’il a tout à apprendre et s’émerveille de tant de beauté et de nouveauté.
Puis, le temps faisant son œuvre, notre voyageur prend de l’assurance. Il a compris qu’il trouverait toujours réponse à ses besoins en route. Il comprend qu’à chaque mésaventure une solution est apparue qu’il n’aurait pu prévoir. Il prend confiance en lui et en sa route. Comme l’adolescent, il échange avec ceux qui comme lui ont un sac à dos ou voyagent en nomades. Il se trouve des compagnons de marche et avance avec fierté car ceux qu’ils croisent sur sa route s’émerveillent et l’encouragent. Mais les jours passant, la douleur et la fatigue le talonnent. Durant ces moments qui demandent de la persévérance, de la conviction et un brin de motivation intrinsèque, notre voyageur se demande fréquemment, tel un adolescent «ça sert à quoi que je fasse ça?» Son esprit, libre de toute obligation vagabonde et se remet en question. Celui qui ne part marcher que deux semaines reviendra avec un goût doux-amer d’avoir vécu quelque chose, mais de l’avoir laissé inachevé. Un sentiment d’incomplétude. Car c’est là que tout se joue. Lorsqu’il cessera de tourbillonner et acceptera de suivre sa route sans autre explication, une transformation s’opérera. De voyageur-aventurier-curieux-et-avide-d’expérience-de-vie, il deviendra pèlerin.
Plus de dix jours se sont écoulés et notre pèlerin n’a pas fait que des kilomètres, il a cheminé! Il a une expérience pèlerine qui l’amène à décider de la façon dont il souhaite poursuivre son chemin pour être en harmonie avec qui il est vraiment. Il ralentit le pas et s’ouvre à ce qui l’entoure pour en savourer chaque instant pleinement. Il entre dans une nouvelle dimension de son périple. Comme le jeune adulte, il se détache du regard de l’autre et cherche à se définir tel qu’il est vraiment. Sans responsabilités et sans obligations, il consacre son temps à vivre le présent. Il constate que la moitié de son temps est déjà passée et que le bonheur qu’il découvre est trop précieux pour être gaspillé. Il fait du ménage dans son sac à dos et dans son sac de vie. Il se dépouille de ce qui l’encombre et le fait souffrir. Il se surprend à ne plus penser à rien et apprécie ce silence intérieur.
Et plus le temps passera, plus notre pèlerin gagnera en sagesse et en maturité. Il se plait à croiser les voyageurs fraichement arrivés sur le chemin qui lui rappellent sa fougue des premiers jours. Il passe aisément pour un doyen du chemin et a de nombreuses anecdotes à partager. Il voit la fin qui s’approche et commence à regretter qu’elle arrive car il s’est plus qu’adapté à son nouveau monde, il en a fait sa seconde peau. Mais il sait qu’il devra quitter, alors il commence à penser à ce que sera sa vie dans l’après-pèlerinage.
Le chemin de pèlerinage ressemble celui de la vie. Ce qui importe n’est pas sa longueur, mais sa durée. La vie n’est pas une question d’avoir, mais d’être. Et c’est cet être qui grandit au fil des jours.
Brigitte Harouni
Très belle analogie. Merci Brigitte 🙂