Les retombées économiques du pèlerinage
La première charité d’un village, c’est sa fontaine.
Gaston Bonheur
Nous abordons régulièrement le pèlerinage en traitant des multiples bienfaits qu’il procure à celui qui le vit. Mais le pèlerinage peut aussi être une richesse pour une région, une ville ou un village qui se trouve sur ce chemin. Alors aujourd’hui, parlons chiffres, parlons épanouissement rural!
Plusieurs chemins de pèlerinage existent depuis plusieurs années, voire même depuis plusieurs siècles, et d’autres sont plus récents. Mais qu’est-ce qui fera la popularité d’un chemin? On parle ici de 15 à 120 millions de pèlerins sur certaines routes! Quels avantages a-t-on à développer ou à entretenir un tel parcours? Quels en sont les bienfaits pour les gens de la place, pour ceux qui accueillent et côtoient les pèlerins?
Le comportement du pèlerin d’aujourd’hui s’apparente beaucoup au comportement d’un touriste. Celui qui décide d’aller marcher le chemin de Compostelle ne le fait plus forcément pour des motifs religieux. On retrouve bon nombre de pèlerins (55%) qui voyagent pour réaliser une démarche spirituelle ou personnelle, ou simplement pour le plaisir de vivre une expérience de vie. De ce fait, on constate ces dernières années un engouement grandissant pour ce type d’expérience. À titre d’exemple, sur le Camino Francès, en 1982, on décernait 120 compostelas; en 2005 : 94 000 compostelas; et les dernières statistiques annonçaient en 2013 : 215 000 compostelas. Le Canada est le 9e pays en importance représenté sur les chemins de Santiago. En 2013, plus de 2000 pèlerins canadiens rentraient dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle après plusieurs jours de marche.
Rapidement, les résidents de ces chemins ont pu constater les avantages économiques de ce tourisme lent. Car contrairement aux voyageurs motorisés, le marcheur s’arrête dans chaque village et profite des services qu’il y trouve, favorisant ainsi, dans une région, l’épanouissement et le développement de tous et de chacun. Le voyageur motorisé aura tendance à ne s’arrêter que dans les lieux plus touristiques et mieux desservis, se contentant de passer rapidement au travers des autres villages qui croisent sa route. Le pèlerin, plus lent, se déplacera sur de courtes distances faisant plus d’arrêts. Chaque village traversé est une occasion de faire une pause, de casser la croûte, de faire des provisions, de prendre du repos, de profiter du voyage. Ce qui signifie, qu’il s’arrêtera dans plus d’épiceries, de cafés, de restaurants, d’auberges, de gites, de motels, de boutiques ou d’attraits touristiques. Ainsi, sur les populaires chemins de pèlerinage, grâce aux pèlerins, certains villages réussissent à conserver leur épicerie, leur restaurant, leurs petits commerces qui ne survivraient pas aux zones urbaines avoisinantes.
Au Québec, bien que nous soyons de grands marcheurs et des passionnés de randonnée, la formule « pèlerinage » est encore très peu développée. Je ne vous parle pas ici de partir avec un sac à dos de 50 livres avec tout le matériel de survie pour marcher à travers bois. Je parle de marcher de village en village, à la rencontre de l’autre, avec l’essentiel sur le dos, sachant que la route m’accompagnera dans ma démarche. Bottes et Vélo souhaite voir fleurir la pratique du pèlerinage au Québec pour permettre à notre belle province de conserver ses petits coins de paradis aux allures d’antan. Mais pour y parvenir il nous faut harmoniser l’offre et la demande. Marcher la Voie du Saint-Laurent, et terminer en traversant les villages de Gaspésie, est une expérience indescriptible! Mais le chemin est encore jeune, et il ne prendra naissance qu’avec la volonté de chacun et la conviction que les pèlerins et les villageois font équipe dans ce projet pour en retirer, chacun à sa façon, les bienfaits et les avantages. Au Québec, on ne retrouve que 54 hébergements de type pèlerin (tarif économique/dortoirs/commodités) sur les 6166 hébergements offerts (n’incluant pas les campings). De plus, certains villages n’ont même plus d’épicerie, ou de café-bistrot. Faire naître le pèlerinage, c’est faire renaître la vie sur le chemin.
Tout le long de notre route gaspésienne, nous avons échangé avec des gens qui partageaient avec nous leur désir de tracer un chemin qui relierait les villages. Un chemin qui serait rassembleur et profiteraient autant aux voyageurs qu’aux résidents. Mais en attendant la naissance de ce tracé, nous, pèlerins, retournerons marcher la Gaspésie cet été, car bien que la route forme le pèlerin, c’est le pèlerin qui fait la route.
Brigitte Harouni