Mon déguisement de pèlerin
Si l’habit ne fait pas le moine, l’équipement ne fait pas le pèlerin
Bottes et Vélo
En cette fin de semaine de l’Halloween, je regarde tous ces enfants costumés qui défilent. Pour plusieurs, c’est une soirée magique qu’ils attendent avec fébrilité. C’est le moment de l’année où l’on peut choisir d’être qui on veut. Que le personnage soit réaliste ou fantastique, peu importe, tout est permis! Quand je les regarde, je me dis que nous, les adultes, ne sommes pas si différents d’eux. Chaque jour, nous revêtons un costume que nous affichons souvent fièrement car il nous définit, il renvoie une image que nous souhaitons donner de nous-même.
Que ce soit au travail ou dans nos loisirs, la société nous pousse à nous déguiser. Un directeur de banque ou un vendeur d’automobiles n’ira pas au travail en jeans et en T-shirt, tout comme le boucher ou l’épicier du quartier ne vous accueillera pas en veston-cravate. Un message implicite semble vouloir être envoyé aux clients. Cette recherche d’identité par l’habillement touche même, et de plus en plus, nos activités récréatives. Ainsi, le cycliste d’aujourd’hui, le vrai!, porte des vêtements moulants de cycliste de compétition, bariolés de noms de commanditaires; il a les souliers de vélo qui rentabilisent son énergie et offrent un confort inégalable. Et ce, même s’il n’aspire pas à faire le Tour de France. Le joggeur qui se respecte se doit de porter des vêtements faits pour la course. Il semble inconcevable de courir avec un short de yoga ou un T-shirt de basketball. Il en est de même pour le randonneur ou l’amateur de plein air qui lui portera des vêtements kaki, et aura un look sportif et décontracté.
Nous avons de plus en plus tendance à vouloir afficher nos couleurs à travers notre apparence, à un point tel que nous perdons notre véritable identité au détriment de l’image. Et le pèlerin n’échappe pas à la règle! Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai réalisé qu’il existait une boutique spécialisée en équipement de pèlerinage! Il semble, en effet, qu’on ait défini, pour celui qui le souhaite, le kit du parfait petit pèlerin. Pourtant, sur les chemins de Compostelle des milliers de pèlerins défilent chaque jours, chacun accoutré d’un bagage bien personnel, Pour ce qui est de l’habillement, il n’y a pas de code vestimentaire requis, on fait un pèlerinage, pas un parcours de golf! Ainsi, plusieurs étaient en bermudas (et pas nécessairement des bermudas kakis avec des poches sur les côtés) certains en pantalons (encore là, pas besoin d’avoir ceux avec une fermeture éclair à mi-jambe), d’autres étaient en shorts, et moi, je portais une jupe bleue. Michel portait une chemise blanche, Julie un T-shirt fushia, et moi une camisole violette. Patrick portait un chapeau de safari, Julie un joli chapeau blanc avec un large bord et un ruban à pois, Mark et moi une petite casquette. Sandra et Kate était en souliers de course, alors que les autres avaient des bottes de randonnée. L’habillement importe peu, l’essentiel est d’être confortable.
Mark qui avait acheté un équipement qu’il qualifiait de « digne de la NASA », car il l’avait chèrement payé dans une boutique de plein air, était découragé de voir ces pèlerins mal fagotés (sac à dos sans confort / souliers et vêtements de tous les jours) le dépasser jovialement. Et là encore, pas de règle au niveau de l’équipement. Certains avaient un petit sac à dos, d’autres un plus grand. Julie portait une sacoche en bandoulière, et Michel sa banane à la taille. Éric et moi avions 2 bâtons de marche, mais nos amis n’en avaient pas et Michel avait un grand bâton de pèlerin tout travaillé. J’avais un Camel back pour porter l’eau, Julie une petite bouteille de sport, et Michel un grand 2 litres. Mark avait l’imperméable qui moule aussi le sac à dos, alors que les autres n’avaient qu’un imperméable et une housse pour le sac.
Le costume du pèlerin n’existe pas! Le pèlerin est celui qui est en nous. C’est une manière d’être à la vie. Ai-je besoin d’un sac à dos, des bottes et d’un chapeau pour saluer les gens que je croise? pour apporter mon aide à une personne arrêtée sur le bord du chemin? pour partager mon repas en échangeant avec des inconnus? pour voyager et vivre avec simplicité et minimalisme?
Comme l’enfant pendant la fête de l’Halloween, celui qui aura acheté son costume tout fait dans une boutique aura un personnage bien plus réaliste et conforme au vrai que celui qui l’aura fabriqué et pensé lui-même. Mais quel apprentissage, quel plaisir et quelle fierté en tirera-t-il? Un des plus grands plaisir de l’Halloween est de faire soi-même son costume. Pour le pèlerin, chaque pas lui permet de façonner ce costume. Chaque pas lui permet de le définir, de se définir. Car être pèlerin, ça ne s’achète pas, ça se vit!
Brigitte Harouni