Libérer mon espace de vie
L’abus de biens et de consommation est un fardeau qui rétrécit l’existence.
L’absence d’encombrement procure de l’espace pour penser, et sans doute même pour comprendre.
John Pawson
Celui qui part pour un long pèlerinage sait ce que veut dire « choisir l’essentiel ». Et pourtant, même le pèlerin avisé portera dans son bagage certains objets dont il aurait pu se dispenser, mais qu’il a apportés malgré tout « au cas où ». Depuis notre tout jeune âge, nous évoluons dans une société qui encourage la consommation, valorise l’excès et entretient la peur du manque et du vide. Nous grandissons avec le désir de posséder toujours plus : plus grand, plus gros, plus puissant, plus rapide, plus beau, plus récent. L’expérience du pèlerinage est un excellent exercice pour qui veut apprendre à faire le ménage de son sac à dos. Mais quels sont les apprentissages que le chemin nous enseigne et que nous aurions avantage à transposer dans notre vie quotidienne à notre retour de voyage afin d’alléger notre sac de vie?
Tout comme sur la route, dans notre vie, ce sont tous ces biens matériels que nous possédons qui alourdissent notre quotidien et nous épuisent. Grande maison à entretenir, piscine à nettoyer, voiture à réparer, vêtements capricieux à faire nettoyer, vaisselle fragile à laver à la main, grande pelouse à tondre durant une belle journée ensoleillée, objets de toute sorte à épousseter et à ranger… Promesses de bonheur et de mieux-être, ces possessions drainent beaucoup de notre énergie et de notre temps, et nous détournent sournoisement des réels plaisirs de la vie. Vient un moment où nous réalisons que nous sommes devenus esclaves de nos avoirs, obligés de travailler pour les payer et de consacrer le temps qui nous serait disponible, à les entretenir. Se libérer de certains biens, c’est marcher plus léger. Cela nous permet de récupérer du temps pour vivre avec les nôtres, relaxer dans un bon bain, préparer un bon repas, avoir le choix d’user de notre temps pour nous épanouir.
Tout ce que nous possédons en plusieurs exemplaires ou que nous avons remisé dans un coin pensant que cela pourrait « un jour » servir, nous pouvons choisir de le donner. Si vous hésitez à laisser aller un objet, demandez-vous si vous seriez prêt à l’acheter. Si la réponse est non, inutile d’encombrer votre espace avec cet objet. Tout ce qui fonctionne mal et qui nécessiterait un petit ajustement mais qui attend encore depuis plusieurs mois d’être vu, nous allons prendre une décision : le réparer ou le jeter. Exactement comme le pèlerin qui traine son bagage, nous choisissons d’emporter avec nous dans notre vie quotidienne les biens matériels avec lesquels nous sommes confortables, ceux qui nous sont utiles, que nous aimons choisir pour travailler, qui sont de qualité et qui nous ressemblent.
Tout comme le pèlerin qui se demande à chaque pas qu’il fait comment il pourrait alléger son fardeau, nous devons dans notre quotidien identifier ce qui nous encombre la vie. Car vivre simplement ne signifie pas rejeter le confort matériel, mais vivre en harmonie avec la personne que nous sommes vraiment, en respectant nos valeurs et nos limites. C’est ainsi que nous constaterons que pour faire un bon ménage des biens superflus qui nous étouffent, il faut avant tout faire un ménage intérieur en nous. Il faut apprendre à se connaître et à se définir clairement. Il faut accepter d’être fidèle à nous-même, et avoir une idée claire de la vie que nous désirons mener. Nous devons mettre dans notre sac de vie ce qui contribue à nous faire avancer sur la route que nous avons choisie et non sur celle qui est pré-tracée, celle tracée depuis notre jeune enfance à travers les yeux de nos parents, les valeurs sociales, ou l’opinion de nos amis. Et pour bien connaître cette route il nous faut de l’espace. Se désencombrer matériellement c’est aussi se désencombrer mentalement. Vous récupèrerez un espace non seulement physique, mais aussi spirituel, pour penser à vous et à ce que vous désirez vraiment de la vie. Vous découvrirez avec étonnement, comme le pèlerin, qu’il nous suffit de peu pour bien vivre et que le bonheur ne dépend pas de ce que l’on possède mais de ce que l’on vit.
Brigitte Harouni