Suis-je Bottes ou Vélo?
Faire un pèlerinage à bicyclette est une aventure inoubliable, mais en faire un à pied est bien plus marquant. Chaque mode de déplacement a ses avantages et ses inconvénients. Et c’est en effectuant la voie du Saint-Laurent à vélo, puis à pied, que j’ai pu réaliser pleinement les différences et me questionner sur ce qui définit réellement un pèlerinage.
J’ai toujours eu un penchant pour les très longues randonnées à vélo. Après 1000 km, j’en voulais encore! Voyager à vélo, pour moi, c’est me sentir libre comme le vent. Ce moyen de transport me permet de parcourir de plus longues distances que la marche, en beaucoup moins de temps. Et bien que je sois limitée dans la quantité de matériel à emporter, le poids total de mon bagage me préoccupe beaucoup moins que lorsqu’il est directement sur mes épaules. Contrairement à la marche qui oblige à être constamment à l’effort, que ce soit dans les montées, les descentes ou même sur un terrain plat, le vélo m’offre des moments de répit et de plaisir dans les descentes; et le jeu des vitesses me facilitent la tâche quand mes muscles commencent à fatiguer. À vélo, les douleurs musculaires des premiers jours passent et le corps s’adapte assez rapidement à sa nouvelle réalité. Ce qui fait que j’ai l’énergie de pédaler pour aller vers l’hébergement de mon choix ou pour repartir en soirée faire un brin de tourisme.
À me lire, vous devinez rapidement que je suis clairement Vélo! Et pourtant…
Après 1500 km de vélo, j’avais hâte de commencer à marcher. L’idée d’un changement me plaisait. Mais je dois avouer que dès les premiers jours de marche, j’ai regretté vivement ma bicyclette! Tout était plus compliqué, plus lourd et plus douloureux. Même si à vélo on semble se déplacer lentement, c’est quand on se retrouve à pied qu’on réalise à quel point on allait vite! En fin de journée, je comptais les kilomètres restants, les mètres à parcourir, mes pas jusqu’à l’hébergement! Mais graduellement encore, après 3-4 jours environ, mon corps et mon esprit se sont ajustés à ce nouveau rythme et ont commencé à y prendre plaisir. Ce n’était pas mon premier pèlerinage à pied, et je savais que j’allais devoir traverser la période d’adaptation et d’acceptation de la nouveauté pour accéder au pallier suivant qui permet d’entrer dans l’esprit du chemin. En marchant, je me sens plus près de tout : de ce qui m’entoure, des gens que je croise, de moi. Pour bien vivre la marche, je dois accepter mes limites. Accepter que mes pieds fassent facilement des ampoules et que je doive en prendre soins et faire des pauses. Accepter que mon genou gauche soit fragile et ne résistera pas aux grandes descentes si je ne prends pas le temps de prendre appui sur mes bâtons de marche. J’accepte de ralentir et de profiter du paysage et du moment. Et c’est alors que la magie opère. Il est beaucoup plus facile d’échanger avec les gens que l’on croise lorsqu’on est à pied. On est beaucoup plus accessible et disponible. Et le temps d’une jasette est aussi le temps d’une petite pause. Sur le bord du fleuve, en Gaspésie, des pèlerins il y en a si peu que je peux dire qu’il n’y en a pas. Les gens sont curieux, intrigués, encourageants, accueillants, aidants. À pied, on découvre les vraies valeurs humaines d’une région. On a le temps de bien s’imprégner d’un endroit et de vivre pleinement le présent. Tout est plus prononcé, car tout dure plus longtemps. Marcher nous ramène à la base de la vie. On est plus conscient de nos besoins de base : manger, se loger. Notre vitesse de déplacement étant restreinte, il faut bien planifier et s’organiser. Comme notre bagage alourdit chacun de nos pas, on apprend rapidement à déterminer ce qui nous est essentiel. Et même dans ce que nous transportons qui semble minimaliste, on pourrait encore éliminer du poids pour se permettre de transporter de la nourriture ou de l’eau. Contrairement au voyage à vélo, quand on voyage à pied la douleur est présente chaque jour, quelle que soit notre forme physique. Ce n’est pas une douleur musculaire, mais une douleur de fatigue de fin de journée. Une douleur qui nous rappelle que notre corps a des limites tant au niveau du kilométrage parcouru qu’au niveau du temps.
Alors, suis-je Bottes ou Vélo? Tout dépend de ce que je veux vivre. Car, dans les deux cas on retrouve les mêmes défis : la répétition, la durée, l’endurance, la persévérance, la lenteur, le dépouillement. Mais pour vivre intensément un pèlerinage, rien ne vaut mieux que la marche car, moins on va vite et plus on profite du moment présent.
Brigitte Harouni
Dear Brigitte, Happy Feast of St. Francis! I appreciate your reflection noting the gifts and challenges of biking and of walking. May you and Eric be blessed!
Peace! Michelle