L’ingrédient essentiel au pèlerinage
Ce n’est pas parce que les choses nous semblent inaccessibles que nous n’osons pas;
c’est parce que nous n’osons pas qu’elles nous semblent inaccessibles.
Sénèque
Partir longtemps avec son sac à dos pour unique bagage, traverser une région jusqu’alors inconnue, voyager seul et faire de nouvelles rencontres, vivre un jour à la fois en se libérant de ses obligations de la vie moderne: tous les ingrédients sont rassemblés pour vivre un pèlerinage. Et bien que les voyages forment la jeunesse, peu importe l’âge du voyageur, il reviendra transformé par cette épreuve de vie. De chaque pèlerinage, de nouveaux apprentissages se réalisent. Il existe tout un monde de découvertes qui attend le pèlerin à chacun de ses pas. Et ce qui différenciera le simple voyage du pèlerinage, c’est que les découvertes les plus marquantes du pèlerinage ne se photographient pas. Elles sont intérieures. Elles sont en moi.
De tous les apprentissages que j’ai pu faire sur le chemin et que j’ai tenté de mettre en application dans ma vie de tous les jours à mon retour, la confiance est celui qui m’est essentiel pour mieux vivre. Je me suis bien demandée comment un simple chemin pouvait m’avoir amenée à avoir confiance en moi et en ma propre route. Tout voyage ne favorisera pas un tel cheminement intérieur. Alors quel est l’ingrédient essentiel au pèlerin pour qu’il découvre en lui cette force? Je vous répondrais que pour le savoir, il faudra en premier lieu avoir le courage de se lancer vers un monde d’inconnus et d’imprévus; un monde où, contrairement à nos habitudes, tout n’est pas planifié et organisé à l’avance. Chaque journée sur le chemin du pèlerin, nombreux et variés sont les obstacles et les impondérables qui se présenteront : manque d’eau, manque de nourriture, manque d’hébergement, erreur de chemin, pluie, froid, canicule, pertes, manque d’argent, … Et nombreuses et heureuses seront les solutions! Mais ça, tant que nous ne l’avons pas expérimenté, nous ne pouvons pas le savoir. Ainsi, un grand nombre de personnes n’oseront pas partir et sortir de leur zone de sécurité, par crainte de ne pouvoir surmonter cet inconnu qui les attend et qu’ils appréhendent. L’image qui me vient à l’esprit et qui illustre le mieux cette situation est celle de l’enfant qui va naître. Après près de neuf mois à grandir, bercé dans un environnement chaud et apaisant, il commence à se sentir bien à l’étroit. Une solution s’impose à lui : naître. Aurait-il le choix qu’il retarderait certainement à quitter ce nid douillet, malgré les inconforts. Mais voilà, il n’a pas le choix : il doit sortir. Il va vivre le choc de l’air, du froid, de la lumière et du bruit. Tout un monde qu’il n’imaginait pas et qu’il aurait pu craindre. Puis, il se retrouvera rapidement réchauffé par les bras et l’amour de sa mère, et s’habituera à ce nouveau cadre de vie. Pour celui qui craint de se lancer sur un chemin pèlerin, je dirais : osez! Et ayez confiance. La vie ne vous laissera pas tomber. Et elle vous le prouvera.
Marcher et pédaler les chemins des jours durant m’a appris à croire en la vie. Mais pour bien intégrer cet apprentissage et le vivre, il faut lâcher prise et sauter. Il faut accepter de vivre des émotions fortes et inconfortables : la peur, la crainte, l’appréhension. Il faut accepter de ne pas être pleinement en contrôle. Il faut vivre dans cet état de brouillard et d’apesanteur en ayant confiance. Car graduellement, comme l’enfant à sa naissance, nous retrouverons des points d’appui, nous nous referons des repères dans ce nouveau monde. Nous apprendrons à découvrir les nouveaux paramètres de cette réalité et découvrirons que nous avons en nous tous les outils pour nous y adapter. Et c’est en constatant notre potentiel d’adaptation et en découvrant nos forces que nous prendrons confiance en nous. Et c’est en réalisant toutes les solutions possibles qui s’offrent à nous à chaque embûche, nous apprenons à voir la vie sous un autre angle : celui de la foi. La foi qui est cette force qui nous permet de croire. Martin Luther King disait : avoir la foi, c’est monter la première marche même quand on ne voit pas tout l’escalier. Le pèlerin qui a déjà tous ses hébergements réservés à l’avance, qui voyage avec un groupe, qui sait qu’il sera attendu et que son repas sera préparé, celui qui part en pèlerinage sans lâcher prise au niveau du contrôle serait comme ce parachutiste qui aura fait un tour d’avion mais n’aura pas fait le grand saut. Et pourtant c’est dans ce saut que germe la confiance.
De retour de pèlerinage, il faut alors mettre en application cet apprentissage. Il faut avoir foi en la vie et se permettre de sortir d’une situation qui nous blesse et qui nuit à notre bonheur, sans savoir ce qui nous attendra de l’autre côté de l’épreuve mais en ayant confiance que nous saurons mettre en place de nouveaux paramètres et des moyens pour voguer lentement vers un mieux-être. Le pèlerinage permet de prendre conscience de cette force qui est en nous et que souvent nous sous-estimons. Le bonheur dépend de l’attitude envers la vie et de la confiance intérieure. Alors je vous laisse et je vous dis : osez la vie!
Brigitte Harouni
Tout ce que je ressent dans mon coeur après cette lecture, c’est: sérénité