Mais pourquoi donc fais-tu ça?
À penser anxieusement au futur, les hommes oublient le présent
de telle sorte qu’ils finissent par ne vivre ni le présent, ni le futur.
Dalaï Lama
« 800 km à pied!! 1600 km à vélo!!! Non, mais quelle idée! Pourquoi fais-tu ça? Sais-tu que tu peux t’y rendre en voiture ou en train? »
Le pèlerinage, comme toute expérience de dépassement de soi, fait réagir. De nos jours, voyager de très longues distances à pied ou à vélo est encore plus déconcertant pour ceux qui vivent leurs vacances au même rythme effréné que leur quotidien. Dans ce monde de consommation où efficacité rime avec célérité, ralentir constitue un défi en soit!
Alors, à ce commentaire un peu taquin et ironique, je réponds que je choisis de voyager ainsi pour le plaisir; le plaisir de prendre le temps de savourer pleinement mon expérience. En se déplaçant à une vitesse plus « naturelle », on découvre réellement l’endroit que l’on visite. On l’habite, on le respire, on s’en imprègne et on le vit. Tous nos sens sont alors sollicités. Pourquoi courir d’une attraction touristique à une autre et s’étourdir dans un luxe artificiel conçu pour les touristes, dans un cadre de vie qui ne reflète souvent pas celui des habitants locaux? Comment penser découvrir un coin de pays si on ne sort pas des sentiers touristiques balisés qui ont dénaturé l’âme de l’espace qu’ils occupent? Si on ne va pas vivre avec les gens de la place pour partager nos différences? Si tout est programmé d’avance comme dans notre routine habituelle et que l’imprévu devient une source d’inquiétude?
Connaissez-vous le mouvement SLOW? Ce mouvement, initié par le Slow Food en Europe pour contrer les méfaits du Fast food, propose une façon « ralentie» d’aborder différentes facettes de notre vie moderne. Le fondement de base est de ralentir et d’apprendre à prendre le temps en accordant à chaque situation le juste temps qui lui revient selon son contexte. Depuis l’époque de l’industrialisation, l’homme a délaissé l’horloge naturelle pour l’horloge mécanique, croyant exploiter le temps pour améliorer sa qualité de vie. On se rend compte aujourd’hui, que c’est le temps qui a pris le contrôle et que la qualité a cédé sa place à la quantité. Ainsi pour manger vite, on accepte de manger mal, on consacre plus de temps à notre travail qu’aux êtres humains qui nous sont chers, on court pour avoir plus de temps et avec le temps amassé on fait encore plus de choses au lieu de profiter de la simplicité de la vie. À trop vouloir en faire trop vite, on finit par ne rien faire correctement. Notre santé s’use, nos relations se fragilisent et notre emploi, qui est si exigeant, nous remplacera sans plus d’égard le jour de notre départ. Le Slow movement vient remettre cette réalité en question. Encore en émergence, le Slow est devenu un réel besoin pour tous ceux qui souhaitent mieux profiter de leur vie.
Le petit dernier du mouvement Slow est le Slow Travel (ou voyager Slow). C’est l’état d’esprit avec lequel on aborde notre voyage. C’est prendre le temps de découvrir ce qui nous entoure à travers un voyage. Loin des formules « tout-inclus » et des « à voir absolument », le Slow Travel nous invite à sortir des sentiers battus. Le voyageur vit, durant le temps de ses vacances, au rythme de son environnement. Ainsi il va au petit resto populaire du coin, achète son pique-nique à l’épicerie de la place, goûte les spécialités de la région, échange avec les gens qui l’entourent. Ce temps qu’il prend enrichit son voyage d’expériences nouvelles et lui permet de faire des rencontres spontanées, de découvrir d’autres coutumes et de partager des moments privilégiés. De plus, en se donnant une liberté de décision et de mouvement, on laisse place à l’imprévu, qui peut s’avérer porteur de belles opportunités.
Le pèlerinage correspond en tout point à ce mouvement, car ce mode de voyage ancestral n’a pas été altéré par la culture de consommation. C’est une façon de vivre en marge de la vitesse qui rend la route savoureuse et mémorable. Et c’est souvent pour cette raison qu’il est difficile au pèlerin, après plusieurs jours, voire semaines, de nomadisme, de revenir dans son monde organisé et régimenté à la minute près. De retour dans son quotidien, le pèlerin croit, à tort, qu’il n’y a que sur le chemin que la vie se vit bien et qu’il est impossible de transposer ce bien-être dans son cadre de vie actuel. Mais ralentir pour savourer est accessible partout. Il faut garder en tête les ingrédients qui nous ont plus sur le chemin : stimulation des sens, flexibilité d’horaire, liberté de choix, ouverture aux imprévus. Mais pour un changement vers un mieux-être, il faut du temps, et il faut prendre son temps!
Voyager Slow c’est découvrir des lieux nouveaux mais c’est aussi aller à la rencontre de l’autre. C’est avoir le plaisir de faire partie, durant un certain temps, de la vie d’une région et de connecter avec ses habitants. Si j’aime voyager à pied ou à vélo, c’est parce que la lenteur me permet de profiter de choses merveilleuses que la vitesse escamote.
C’est un très beau texte qui porte à la réflexion, tu as trouvé les mots justes qui donne le goût Bravo Brigitte
Merci! Votre commentaire me touche!
J’AI LU TON TEXTE TRANQUILLEMENT POUR SAVOURER CHAQUE MOT COMME TU LE DIS ET JE NE LE REGRETTE PAS. BRAVO BRIGITTE!
Merci! Je suis contente de voir que mon texte porte déjà fruits!
Bonjour Brigitte,
j’ai beaucoup apprécié ton texte qui met en relief la vitesse de la société dans laquelle nous vivons. Je pense en effet que le bonheur est aussi présent dans les petites choses simples du quotidien lorsqu’on sait les apprécier… avec lenteur. Félicitations !
Ah! Ces petits bonheurs! Ils ne sont pas toujours faciles à voir, mais comme ils sont précieux!
merci de ton partage.