Un si petit caillou…
« La vie passe, rapide caravane ! Arrête ta monture et cherche à être heureux. »
Omar Khayyâm
Je devrais m’arrêter, mais je continue. Je le sens! Il se promène d’avant en arrière, au gré de mes pas. Il est petit. Je devrais pouvoir le coincer pour qu’il cesse de bouger. Pas le temps et pas besoin d’arrêter ma route pour ça. Il est si petit! Il ne peut pas me faire grand mal.Mais maintenant qu’il est sous mon pied, je le sens de plus en plus. Chaque pas m’élance un peu plus. Bon, au prochain banc je m’en occuperai. Il commence à m’irriter le dessous du pied. C’est qu’il est pointu ce petit caillou! Plus je marche et plus il me semble qu’il prend du volume! Je n’en peux plus. Il faut que je m’arrête! J’enlève ma botte, et la renverse cherchant le coupable. Il tombe dans ma main. Il est minuscule! À peine un gros grain de sable!?
Les jours qui suivirent cette petite mésaventure, le caillou n’existait plus, mais la douleur, elle, demeurait bien réelle. Une rougeur était apparue sous mon pied. Il y avait laissé sa marque. Il fallut près d’une semaine pour que toute trace disparaisse enfin.
Dans notre vie, nous trainons tous des cailloux dans nos souliers. Certains sont gros et bien visibles; d’autres sont petits et moins faciles à identifier. Et nous marchons! Chaque jour, chaque heure, nous avançons, nous accommodant de ces irritants. Notre horaire bien rempli occupe tout notre esprit et les journées défilent sans que nous n’ayons le temps de nous arrêter pour prendre soin de nous. Alors on endure, on « prend notre mal en patience », on se dit que c’est « un mal nécessaire » et on minimise l’impact que le caillou a sur nous. Plus nous attendons, plus ce qui nous semblait mineur et contrôlable commence à prendre de l’ampleur. Ce petit caillou noircit sournoisement nos journées. Il nous rend irritable, maussade, lourd, anxieux ou fatigué. Parfois, il nous empêche de dormir. Il envahit nos pensées, nous coupe l’appétit, nous fait allumer une cigarette ou déboucher une bonne bouteille. Comme il a du pouvoir ce petit caillou!
Arrive le moment où il nous faut passer à l’action, sans quoi notre santé se détériorera davantage. Certaines décisions sont faciles à prendre, d’autres vont demander plus de courage et de détermination. C’est malheureusement souvent le degré du malaise qui déterminera l’efficacité des solutions apportées. Mais une chose est certaine, plus nous tardons à intervenir, plus le temps de rémission sera long et certains dégâts permanents.
Ce que nous apprend un pèlerinage, c’est l’importance d’écouter son corps et d’être attentif aux signes qu’il nous envoie. Il est souvent le premier à identifier la source du malaise.Écrivain britannique, David Herbert Lawrence a écrit : «La vie n’est supportable que lorsque le corps et l’âme vivent en parfaite harmonie, qu’il existe un équilibre naturel entre eux, et qu’ils ont, l’un pour l’autre, un respect réciproque.» Il revient à chacun de prendre le temps de s’arrêter et d’éliminer ses petits cailloux, car ce temps qui nous file entre les doigts ne s’arrêtera jamais. Et petit caillou deviendra grand!