Violence et souffrance sur le chemin : les attentats de Paris

2015-11-20 2 Par Éric Laliberté
Il y a un lieu au-delà du bien et du mal, c’est là que je vous attends.
Rûmi, mystique soufi
J’ai mis toute la semaine à me décider d’écrire sur le sujet. Toute cette violence est une horreur et la souffrance qu’elle engendre, bien pire encore. La violence éclate après une longue souffrance. Elle frappe d’un coup. La souffrance, elle, semble toujours s’éterniser…
Peut-il exister pire souffrance, pire violence, que celle de souffrir sans raison, sans comprendre pourquoi?

Peace for ParisUne semaine plus tard, nous sommes encore sous le choc et dans l’incompréhension, partagés entre l’inquiétude et l’envie de tout casser, de répondre sur le même ton…

Que faire avec cette violence, cette souffrance? Comment les entendre?

Que ce soit sur le chemin de pèlerinage ou sur le chemin de la vie, les pèlerins que nous sommes côtoient la souffrance régulièrement. Que ce soit une souffrance physique ou une souffrance émotive, la souffrance est présente d’une manière ou d’une autre et, chaque fois elle nous parle. Elle sonne l’alarme d’un mal être. Douleur à la hanche ou réaction émotive démesurée, cri de colère, la souffrance nous dit quelque chose. Elle nous renseigne de manière précieuse sur l’état de notre vie, de notre être ensemble.

Notre humanité est avant toute chose une expérience sensible inscrite dans notre chair. La souffrance permet de sentir, dans notre corps, qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, que nous ne sommes plus sur la bonne voie. Elle est le signal qu’il faut changer notre manière d’être, d’agir et de penser; qu’il faut changer de pas, faire une pause, corriger notre route; qu’il faut sortir de nos entêtements, de nos enfermements. Le pèlerin qui a mal aux pieds doit s’arrêter et prendre le temps de se soigner pour corriger la situation, sinon cela ne fera qu’empirer.

Compostelle - Camino FrancesEn ce moment, la souffrance qui se vit ne se compare pas du tout avec un mal de pied. Loin de là! Mais ce n’en est pas moins une souffrance. C’est toute la France qui reçoit ce coup, sans comprendre, et la révolte gronde en elle. C’est normal! Ce qui est arrivé est inacceptable!

En contrepartie, il y a tout un groupe d’Islamistes qui se répand et s’attise en violence parce qu’ils souffrent aussi. On ne se comporte pas comme ils le font sans souffrance! Mais, ils souffrent de quoi? Nous ne le savons pas! Et c’est là tout le problème! On n’y comprend rien. On n’y voit que violence et souffrance. L’Islam nous apparaît comme un fanatique, fou furieux, psychopathe. Pourtant, j’ai plusieurs amis musulmans, vous en avez-vous aussi, et ils n’ont pas du tout ces traits. Ce sont de bons amis, plein d’amour et de générosité, avec qui on rigole bien, sur qui on peut compter. L’Islam que je connais est souriant et joyeux. Cette branche de l’Islam, celle que nous voyons régulièrement au bulletin de nouvelles, nous renvoie un visage des musulmans qui n’est pas celui de l’Islam. L’Islam bien portant ne se comporte pas ainsi. L’Islam heureux ne s’emporte pas avec une telle violence. Le mystique soufi, Hazrat Inayat Khan, nous dit : « Ce n’est pas notre situation dans la vie, mais notre attitude envers la vie qui nous rend heureux ou malheureux. »

Compostelle - La croix de ferNos souffrances, nos colères, nos violences nous parlent. Elles nous disent que nous ne sommes pas à l’écoute, que nous sommes en train de manquer le bateau, de passer à côté de la Vie. Celui qui entre en violence n’entend plus la voix du Vivant qui murmure en lui. Le Dieu de l’Islam n’est pas un dieu de violence, c’est le même Dieu que celui des chrétiens et des juifs. Le Dieu de l’Islam est un Dieu d’amour. Aujourd’hui, avec l’Islam, nous devons nous rappeler les paroles d’amour de notre Dieu – qu’on le nomme Allah, Yahvé ou Adonaï.

Mettons-nous à l’écoute. Il n’y a rien d’autre à faire, puisqu’il n’y a rien à comprendre mais qu’il y a tout à entendre. Musulmans, juifs et chrétiens doivent se mettre à l’écoute les uns des autres pour s’opposer à toute cette violence qui n’est pas dans la volonté de Dieu, de notre Dieu.

À la fin de sa vie, Rûmi, un mystique persan et musulman, en arrivait à cette conclusion : « Hier, j’étais intelligent et je voulais changer le monde. Aujourd’hui, je suis sage et je me change moi-même. » Soyons tous sage.Bottes et Vélo - Emblême

Éric Laliberté