Soyez vigilant! Vous pourriez vous casser la gueule.

2015-10-09 0 Par Éric Laliberté
N’attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites.
Décide de vouloir ce qui arrive… Et tu seras heureux.
Épictète
Un sentier aux racines dénudées, une piste rocailleuse, un lit de ruisseau desséché, une route boueuse… Les chemins de pèlerinage ne sont pas toujours faciles. Nous avons tous de ces sentiers en mémoire. Pour ma part, j’en ai quelques-uns, que ce soit certaines plages d’ici, ou encore ces chemins de Compostelle; tout particulièrement ce sentier qui descend du Alto del Perdón, dans le Navarre, juste après Pampelune… Vous vous rappelez? Ils ont bien marqué notre mémoire ces chemins qui demandent une attention particulière et sur lesquels on a tous failli se casser la gueule!Compostelle - Alto del Perdon

Ces chemins aux pierres qui roulent sous chacun de nos pas, aux racines tendues comme des pièges, ils nous occupent tout entier. Les yeux rivés sur le sol, on ne peut se permettre de le quitter des yeux ne serait-ce qu’une seconde. Suffit de lever la tête pour que nous buttions sur cette pierre qui n’attendait que ce moment d’inattention.

Dernièrement, en marchant sur la plage de St-Michel, j’ai eu à franchir un secteur qui m’a tenu en alerte et m’a rappelé un de ces chemins. Des rochers qui se dressent comme la tranche d’un livre, des pierres verdâtres et luisantes, d’autres à l’équilibre précaire, chacun de mes pas demandaient assurance et vigilance. Je ne faisais que regarder le sol, concentré, absorbé par la difficulté, cherchant le bon endroit où poser le pied.

J’avançais ainsi depuis une bonne heure, sans me rendre compte du temps qui passait, ni de la distance que je franchissais. À un certain moment, je me suis arrêté pour reprendre mon souffle et mon équilibre. J’ai pu alors relever la tête…Compostelle - Ronceveaux

Quelle sensation étrange! L’impression de basculer dans une autre dimension. À quelques mètres de moi, un héron prenait son envol et s’élançait au-dessus du fleuve. Je l’ai suivi du regard. Au loin, l’Ile d’Orléans se profilait avec ses carrés de verdures. Le ciel, un peu maussade, me renvoyait un vent tiède et le fleuve dansait dans un doux clapotis. Appuyé sur mes bâtons, j’étais sous le charme.

Dire que je marchais depuis une bonne heure et que je n’avais rien remarqué de ce spectacle.

Lorsque le héron eut disparu de mon champ de vision, je me suis repenché et j’ai repris ma route. Si je voulais poursuivre sans me casser la gueule, je n’avais pas le choix, il me fallait pencher la tête et demeurer vigilant. Je ne pouvais avoir les yeux au ciel avec une route pareille!

La Voie du St-Laurent - Ste-Anne-des-MontsMe cramponnant fermement à mes bâtons, j’avançais consciencieusement, lorsqu’il me vint à l’esprit que, malgré la difficulté du chemin, j’avais pu goûter un moment de pur plaisir. Je n’avais eu qu’à m’arrêter…

Bercé par cette idée, je fis quelques pas de plus et allai m’asseoir sur un rocher, face au fleuve.

Comment est-ce que je traverse les jours rocailleux de ma vie? Est-ce que je m’accorde du temps? Est-ce que je prends le temps de faire cette pause qui me permettra de reprendre mon souffle, qui rendra mon chemin agréable? Quelle attitude ai-je face à ce chemin qui n’en finit plus de difficultés, de pierres sur lesquels je butte, de racines sur lesquelles je trébuche? L’ai-je seulement maudit ou ai-je pris le temps de m’arrêter et de relever la tête?

La Voie du St-Laurent - Cap-Bon-AmiChacun de nos jours peut avoir son lot de difficultés, il n’en tient qu’à nous de savoir puiser dans les bonnes choses de la vie. Et pour cela, il suffit de savoir relever la tête pour sortir du tumulte. De savoir s’arrêter et mettre ses préoccupations de côté pour quelques temps. Même au milieu de l’adversité, les beautés demeurent. Mon plaisir demeure! Il suffit de le cueillir. Je devrais mettre autant d’énergie à cueillir tous ces moments de plaisir que j’en mets à franchir les difficultés du chemin. Ma vie a besoin de ce bon goût. Je ne peux pas vivre dans une perpétuelle course à obstacles, sans jamais relever la tête. Il est important de savoir jalonner son parcours de pauses qui rendent la route agréable.

Soyez vigilant! Vous pourriez vous casser la gueule. Surtout si vous ne relevez jamais la tête! À ne penser qu’à avancer, il pourrait vous arriver bien pire que de tomber. La chute est souvent plus grande lorsqu’on réalise tout ce qu’on a manqué à force de ne penser qu’à arriver…

Éric Laliberté