Qu’as-tu mis dans ton sac à dos?

2014-03-29 1 Par Éric Laliberté

Un véritable pèlerinage consiste à tout laisser.

Laisser ce qui rend notre vie de plus en plus rapide et élaborée.

Mais aussi laisser – c’est peut-être le plus difficile –

l’idée que nous nous faisons de nous-même et des autres.

 Il faut quitter tout ce qui nous conforte, tout ce qui nous honore, tout ce qui nous rassure.

Jean Lescuyer

Qu’as-tu mis dans ton sac à dos?

… ou la peur paradoxale du manque

dans une culture d’abondance et de surconsommation.

2009 - Compostelle et Barcelone 415Le contenu approprié de notre sac à dos est simple à concevoir, mais pas toujours facile à appliquer tellement nous sommes conditionnés à avoir sous la main beaucoup plus que le nécessaire. Nos armoires, nos placards et nos garde-mangers en sont le témoignage par excellence. Un seul exemplaire ne suffit plus. On achète à la caisse, dans des formats de plus en plus gros. Nous utilisons, mangeons, dépensons plus, parce qu’il y a toujours plus. Nous consommons sans compter car l’abondance est omniprésente. Nous sommes devenus accrocs à l’excès!

Partir avec son sac à dos pour un pèlerinage de longue randonnée permet de remettre en perspective tout ce surplus, d’en prendre conscience. Le pèlerinage nous fait sortir de cette zone d’excès et les inquiétudes que cela peut susciter seront l’occasion de repenser certains de nos besoins, certaines de nos peurs.

Rapidement, vous constaterez que le sac à dos est le reflet des choses auxquelles on s’attache. Il est le poids de tout ce dont vous ne pouvez vous passer. Après quelques jours à bien en sentir le poids sur vos épaules, vous ne percevrez plus vos besoins de la même manière. Vous remettrez en question chaque gramme de votre sac et commencerez alors à l’épurer pour ne conserver que l’essentiel nécessaire à votre voyage. Chaque jour vous questionnerez le contenu de votre sac jusqu’à atteindre l’équilibre souhaité, c’est-à-dire jusqu’à ce que vous ayez redécouvert l’art du « juste-assez ». Les bouddhistes diront « la voie du milieu », celle qui est sans excès, ni manque. Une voie dont le confort se loge dans le « juste-assez ».

Notre culture de consommation  étant très forte pour créer de faux besoins, elle a développé des stratégies de dépendances à travers une multitude de programmes de fidélisation. Elle s’amuse de nos peurs en nous incitant à parer toutes éventualités du moindre gadget ou d’une assurance « tout risque ». La nouveauté est devenue son leitmotiv pour entretenir l’accoutumance à ce rythme de surconsommation. New York 064Nous sommes devenus accrocs à tous ces excès et nous les demandons. Alors, lorsque vous vous préparerez à partir, soyez vigilants. Le pèlerinage n’entre pas dans cette dynamique. Ne dépensez pas une fortune pour vous équiper!

Nous entendons régulièrement des gens dire qu’ils ont dépensé 1500$, 1700$ ou même plus de 2000$ en équipement pour le pèlerinage, ceci sans les bottes! C’est beaucoup trop! Les deux seules choses qui vous coûteront cher ce sont  1) votre sac à dos et 2) vos bottes. Pour ces deux articles, vous devriez débourser au total environ 400$. Pensez aussi qu’il est possible d’emprunter certains effets, vos amis se feront un plaisir de vous prêter leur sac à dos ou encore leurs bâtons de marche. Surveillez également les annonces classées, vous pourriez y trouver des articles de qualité à très bon prix. Pour le reste, vous verrez qu’il y a très peu à prendre dans votre sac : prévoyez quelque chose pour être au chaud le soir et quelque chose en cas de pluie, visez toujours le plus léger et le plus compact. (Dans un autre article, nous avions détaillé une liste et le poids de chaque item : voir « L’équipement du pèlerin nord-américain ».) Pour le reste, remettez-vous en à votre jugement. Faites-vous confiance! Et même s’il y avait un peu d’excès dans votre sac, cela fait partie de l’apprentissage et de l’expérience du pèlerinage. Vous en ferez le ménage en cours de route et trouverez ce confort de vie qui vous convient.

Une fois ce confort atteint, ce « juste-assez » trouvé, votre conscience se sera éveillée à un autre possible, un vivre autrement. Vous découvrirez alors l’allégorie du sac à dos. N’ayant plus rien à enlever de votre sac, c’est en vous que vous chercherez l’excédent dont vous pourriez vous défaire. Le sac à dos est le reflet de tous ces « il faut », de tous ces « je dois », de tous ces faux besoins que je traîne… Le poids que je porte sur mes épaules me vient aussi, parfois, de toutes ces personnes que j’autorise à s’y accrocher… Combien d’obligations ai-je accumulées tout au long de ma vie? Combien de règles inutiles sont enfouies dans mon sac de vie?

Les obligations, les règles que je m’impose, les horaires à rencontrer, la peur de ne pas être à la hauteur, les convenances… Tous ces questionnements monteront en vous. Ces trucs font partie de votre sac de vie et ils peuvent devenir lourds à porter. Prenez conscience que la vie n’est pas un effort constant! Observez lorsque vous serez sur le chemin comment vous 2009 - Compostelle et Barcelone 099ajustez votre pas, comment vous prenez le temps, comment vous vous mettez à l’écoute… « Mon pèlerinage est parsemé de pauses. Je me permets des temps d’arrêts. Je refais le plein d’énergie. J’évalue régulièrement le poids de mon sac. Tous les soirs, je décharge mes épaules de ce fardeau et enlève mes bottes. Tous les soirs, je prends soin de moi. Est-ce que je le fais dans mon quotidien? » Une fois épuré, votre sac de vie en aura long à raconter…

Et tout ceci se fera naturellement, au fil des jours, au fil de votre chemin, lentement. Faire un pèlerinage nous apprend à voyager – à vivre –  le sac, le cœur et l’esprit léger. Le pèlerinage me ramène au meilleur de la vie. Prendre mon sac à dos de pèlerinage, c’est me décharger des illusions de ce monde et de son rythme affolant. Alors j’essaie de le porter le plus souvent possible, car son fardeau est léger…

Bottes et Vélo - EmblêmeÉric Laliberté