Retour à la « vraie » vie!
Lorsque la fin du chemin approche, le retour à la « réalité » est souvent envisagé avec un pincement au cœur. Plusieurs en parlent comme d’un retour à la « vraie vie ». Comme s’il y avait une « vraie » et une « fausse » vie! Comme si, pour un temps, j’étais sorti de moi et que j’allais « enfin » revenir à la raison en retrouvant mon quotidien. L’expression en dit long, tout comme le sentiment qu’elle laisse: il interroge. Où et quand la vie commence-t-elle? À quel bout du chemin se situe-t-elle? Avant ou après?
Lorsqu’arrive ce « retour à la vraie vie », ça m’amuse de bousculer ce qui semblait anodin en posant la question : « Et ce que tu vis, en ce moment, c’est faux? ». Pendant un instant, on a l’impression que le temps s’arrête. La personne réalise ce qu’elle vient de dire. Un court silence vient souligner la surprise puis, un sourire en coin, la personne répond généralement : « non, mais tu comprends ce que je veux dire. – Non, pas tellement! Qu’est-ce qui n’est pas vrai en ce moment? Qu’est-ce qui t’empêche de dire que ce que tu vis ici est vrai? ». La question à 1000 piastres! Pas toujours facile de descendre dans cet espace…
Pourtant, il importe de se colletailler avec cette question. Elle vient nous situer dans nos résistances et nos enfermements. Affirmer qu’il existe une « vraie vie », implique qu’il y a du faux quelque part, qu’il existe une part de vie mensongère. Alors, est-ce la vie de pèlerin qui est mensongère ou mon quotidien? Si un certain malaise m’empêche de considérer mon quotidien comme faux, c’est bien pour cela que je ne peux reconnaitre que ce que je vis sur les chemins de pèlerinage est vrai ou appelle le vrai en moi. L’écart est trop grand! Surgit alors comme un conflit de loyauté, une ambiguïté qui viendrait compromettre ce que j’ai mis des années à construire. Parler d’un retour à la « vraie vie » pose ainsi un enjeu de vérité. Mais alors, qu’est-ce qu’une vie vraie?
On se retrouve ici face à un effet propre à l’expérience pèlerine qui vient soulever la perversité de nos vies. On s’entend, lorsque je dis perversité je dis qu’il y a inversion. Ce qui est bon est pris pour mauvais et ce qui est mauvais est pris pour bon. L’expérience pèlerine à cet effet, elle nous révèle à nous-mêmes en nous faisant passer de l’autre côté du miroir : là où ce que l’on croyait à gauche est en réalité à droite… Je dois donc prendre le temps de considérer comment cet appel à la vérité m’interpelle. En quoi suis-je appelé à plus de vérité sur ma vie?
Aussi, il importe donc de ne pas balayer trop vite l’expérience du chemin en se disant que nous allons bientôt retourner à la « vraie vie ». Au contraire, je dois me laisser interroger par cet enjeu de vérité. Il y a du vrai de part et d’autre, du faux de part et d’autre. Mais, comment vais-je les reconnaitre? Tout va se jouer dans cet espace : discerner le bon goût de la vie! Pour y parvenir il suffit d’être attentif à ce qui se joue en nous, en dépassant nos craintes, notre culture, notre éducation, nos croyances, nos préjugés, pour écouter ce qui parle au cœur de l’humain.
Nous avons tous fait l’expérience de cette conviction profonde, celle d’entendre cette voix qui parle au plus profond de soi et qui connait ce qui est juste, ce qui est bon et qui invite à plus de vérité. Il ne reste plus qu’à lui répondre avec confiance!
Éric Laliberté
Merci Éric pour cette réflexion sur l’expérience exigeante du retour d’un chemin qui nous a ramené à soi si intensément. Une dernière phrase lumineuse pour poursuivre son chemin.
Merci Guy!
Vraiment contente de vous retrouver!
« Être attentif à ce qui se joue en nous (…) cette voix (…) qui connaît ce qui est juste…
Merci Éric!