Mourir à soi-même
C’est dans l’ombre de soi-même que l’on fait les rencontres les plus lumineuses.
Jacques Salomé
Le chemin de la vie est un long processus de croissance laissant échouée dans son sillage une lignée de petites et grandes morts. Un enchainement de mues intérieures qui permet à l’être de grandir. Un dénuement vers un soi toujours plus authentique. La vie est ainsi faite d’une succession de deuils sur lesquels nous prenons appui pour continuer de cheminer intérieurement.
Celui qui avance, s’accrochant à son ancienne peau, s’encombre et s’étouffe. Sa vie semble être un fardeau. Tout devient plus compliqué, plus lourd. Comme le pèlerin qui traine sur son dos le poids de ses peurs et de ses attachements, la route se fait plus péniblement. Les blessures se multiplient. Le plaisir manque souvent au rendez-vous.
Intérieurement, un cri de liberté se fait entendre : se dépouiller! Se dépêtrer et s’alléger pour y voir plus clair, pour se sentir moins oppressé. Alors le pèlerin fait du ménage. Il trie. Il pèse et sous-pèse ses poids. Il met de l’ordre dans son sac, et dans sa marche. Il priorise en prenant le temps d’évaluer son besoin, mais aussi en portant attention à ce qu’il désire vivre de son chemin.
Qu’est-ce qui m’est nécessaire? Qu’est-ce qui est essentiel à ma route?
Il laisse derrière lui certains objets, modifie certains comportements, abandonne des habitudes. Autant de petites morts qui lui permettent de pèleriner avec plus de plaisir, se rapprochant toujours un peu plus d’une manière d’être à la vie qui lui soit plus confortable. Une manière d’être à sa mesure.
Puis il questionne.
D’où me vient cette habitude? Pourquoi je m’impose cela? Qui ai-je peur de décevoir? Qu’ai-je à prouver…. et à qui?
Chemin faisant, il remonte le fil de sa vie. Son corps est sur la route, mais son esprit vagabonde, tournant les pages de l’album de sa vie. Il revisite ses souvenirs, fait de la lumière en lui, ouvre des fenêtres, tisse des liens. De ces prises de conscience, lentement une transformation s’opère. Une mort survient. Un pas de liberté se fait.
Quand un moment de décision survient dans notre vie, quand nous avons le sentiment de ne plus être sur la bonne route, quand le voyage n’est plus source de plaisir, soyons pèlerins. Arrêtons-nous et prenons le temps de goûter.
Qu’est-ce qui me pèse? Qu’est-ce qui me retient d’agir avec fidélité envers moi-même? Qu’est-ce qui me manque? Qu’est-ce que je désire vivre?
Prenons un temps d’arrêt, le temps d’écouter et d’entendre cet élan intérieur qui nous indique la voie à suivre, celle qui nous appelle vers plus de paix. Cette voie n’est pas toujours des plus faciles. Elle sait nous mettre à l’épreuve, nous oblige et nous pousse à consolider nos convictions. Un lâcher prise s’opère. La confiance se façonne. Par la persévérance et l’investissement que cette voie nous impose, elle contribue à nous faire préciser la personne que nous aspirons à être.
Tout pèlerinage appelle à une certaine mort. Par cette mort, le sentiment de vivre rejaillit. Un phénomène de renaissance qui redonne des ailes, remplit les poumons d’un souffle neuf et énergise le corps. C’est en acceptant de mourir à elle-même que la chenille devient papillon.
Brigitte Harouni
Encore une fois merci pour votre belle réflexion.
Libérer le papillon qui aspire à prendre son envol:
c’est naître à un soi qui s’est donné des ailes.
Merci Brigitte pour ce texte inspirant, si juste. J’en ai fait mon compagnon d’ici Pâques, cette fête qui nous invite à passer de la mort à la Résurrection.