Se réinventer pour mieux vivre
« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
Charles Darwin
Un vol d’oies blanches passe dans le ciel, signe annonciateur du retour imminent des beaux jours. Les oiseaux chantent le lever du soleil et le début de la saison des amours. Les arbres bourgeonnent. Les premières fleurs s’épanouissent. C’est la fête! Toute la nature sort de son hibernation pour prendre vie.
Paradoxalement, à la radio, dans les journaux, à la télévision, on parle de mort. Les nouvelles sont sombres, angoissantes, déprimantes. Les personnes qui travaillent sont à bout de souffle, épuisées physiquement et moralement. Celles confinées sont désœuvrées, déprimées, désorientées. On cultive la peur; toutes sortes de peurs. L’être humain est en souffrance. Et plus que jamais, sa dissonance avec la nature résonne!
Quand on prend le temps d’observer la nature, on découvre un équilibre doté d’un système d’autorégulation des plus élaborés. Chaque élément est un rouage essentiel au mouvement harmonieux du tout. Tout est interrelié et contribue à perpétuer la vie.
Le déconfinement, espoir d’ouverture et de liberté, ajoute à la confusion. Les émotions se multiplient : délivrance, joie, craintes, frustration, colère. C’est une libération conditionnelle, avec des règles, des obligations et des restrictions. Les multiples incertitudes exacerbent les peurs, engendrent de l’hostilité et de la fermeture.
L’être humain, tellement habitué d’être en contrôle, navigue péniblement dans cet univers embrumé et diffus. Il supporte mal de ne pas savoir, de ne pas être maître à bord. Comme en pèlerinage, certaines choses sont identiques à son monde antérieur, mais bien d’autres sont nouvelles. À la différence du pèlerin, il n’a pas choisi de vivre cette perte de repères. Avec le déconfinement, sans le savoir, il entre dans une zone d’apprentissage.
C’est dans l’espace de cette zone nouvelle qu’il aura à se réinventer. Tout comme le pèlerin, il n’a d’autre choix que de développer un art de vivre qui soit en cohérence avec son environnement, tout en répondant à ses besoins essentiels. Pour survivre et avancer dans cette nouvelle réalité qui se dessine autour de lui, il doit commencer par accepter que le monde qu’il a connu est révolu, accepter le changement qui s’impose aujourd’hui à lui. Pour avancer sans trop se blesser, il apprend à alléger son fardeau, se libérer de ses certitudes, de ses peurs, de ses enfermements qui entravent le mouvement. Il réapprend à faire confiance. Il sait qu’il y aura des sacrifices à faire. Un jour à la fois, il prend le temps d’accueillir et de goûter la nouveauté. Il apprivoise sa nouvelle vie. Se façonne un nouveau confort plus juste, plus adapté à sa nouvelle situation. Pour plus de vie.
Une prise de conscience commence à s’opérer : faisant partie de la nature, il est maître de bien peu de choses. Malgré son arrogance, il ne peut aujourd’hui que constater l’illusoire de cette suprématie qu’il s’est construit, et la finitude de sa condition humaine. Cette vie qui ne lui appartient pas, qu’il ne contrôle pas, qu’il devra rendre, qu’en fait-il? Zone d’apprentissage, zone de remise en question. Le sens de la vie l’effleure. Printemps, temps de renaissance, espace de création.
Brigitte Harouni
Merci pour votre texte! Il me fait du bien et m’invite à un repositionnement de mes repères, à une adaptation qui fait appel à redécouvrir l’essentiel, à ce qui compte vraiment, à lâcher prise sur ce qui échappe à mon contrôle et à redonner du sens au présent.